(1/3) Logique et intérêt – La méthode du Learning by doing ou la pédagogie par projet de Dewey à Freinet (exemple d’une mise en œuvre au sein d’une association)

Passer d’une logique d’enseignement à une logique d’apprentissage

Rousseau, dans son Emile ou de l’Education, nous exhorte à « ne donner …  aucune espèce de leçon verbale ; il n’en doit recevoir que de l’expérience : ne lui infligez aucune espèce de châtiment, car il ne sait ce que c’est qu’être en faute : ne lui faites jamais demander pardon, car il ne saurait vous offenser ». L’auteur du Contrat social reste en effet fidèle à sa conception de la vie en société : l’homme étant par nature bon, son éducation ne peut qu’être exempte de punitions et châtiments. L’enfant bien éduqué est l’enfant qui ne se fait pas gronder. En somme, l’idéalisme éducatif rousseauiste consiste en une règle, « la plus grande, la plus importante, la plus utile règle de toute l’éducation (…) ce n’est pas de gagner du temps, c’est d’en perdre ». En effet, afin de préserver l’état de nature de l’enfant, il ne faut pas lui transmettre la vision viciée des adultes mais tout au contraire le laisser libre de faire ses propres erreurs et d’en tirer leçon.

Si les Lumières ont fait de l’éducation un point d’achoppement de leurs réflexions, Rousseau en a été l’acteur le plus critiqué mais aussi le plus fameux. D’ailleurs, force est de constater que l’innovation pédagogique impulsée par Dewey au début du XXe siècle renoue – à corps défendant – avec l’approche expérimentale pressentie par Roussea. En effet, si, sur le principe, la pédagogie par projet est effectivement pluridisciplinaire, elle l’est également dans sa méthode. Dit autrement, la pédagogie cognitive fait de l’apprenant le sujet de son propre savoir. En ce sens, comme le précisent Arpin et Carpa, l’apprenant doit puiser dans ses propres connaissances pour construire son savoir : il doit mettre en relation ce qu’il sait déjà pour orienter son questionnement vers la nouveauté. La pluridisciplinarité connait donc un premier aspect : celui des champs de connaissances. Mais elle en connait un second : celui des liens nécessaires entre savoir et savoir-faire. En effet, l’apprenant doit pouvoir établir une relation entre ce qu’il est en train d’apprendre et son application. L’un des objectifs de la pédagogie par projet est finalement de niveler la différence scolaire entre théorie et pratique. Comme l’indique Bensalem, il faut passer d’une « logique d’enseignement à une logique d’apprentissage » c’est-à-dire stimuler la curiosité de l’apprenant tout autant que sa capacité à collaborer et travailler en association avec les autres membres de la famille et/ou société.

De l’intérêt de la pédagogie par projet

Les formes de pédagogies alternatives se multiplient et actuellement, l’on tend plutôt à une démocratisation de la transmission du savoir. A cet égard, il faut souligner la nécessaire adaptation de l’instruction à l’évolution des sociétés : le numérique a révolutionné nos modes de communication. Désormais, nous sommes tous devenus des spécialistes de la généralité : nous avons développé des connaissances pluridisciplinaires et sommes en contact permanent avec les divers acteurs du système-monde. Nos enfants vivent une aventure similaire, c’est pourquoi les formes de transmission du savoir ont elles-mêmes changées.

La démarche par projet, comme le souligne Perrenoud, présente de nombreux avantages, le premier étant la construction de compétences résultant de la mobilisation des savoirs et savoir-faire acquis. En outre, parce-que le projet suppose un travail en et de groupe, il « développe la coopération et l’intelligence collective ». En d’autres termes, les apprenants se trouvent confrontés aux mêmes difficultés et tensions pouvant se manifester lors d’interactions sociales. En ce sens, la pédagogie par projet est inscrite dans le monde : l’enfant doit mettre en pratique ses savoirs mais pas seulement ; il doit également exposer son point de vue et négocier ses attentes sur la base d’arguments, ce qui le conduit à procéder à une autoévaluation ou évaluation-bilan.  Dit autrement, il procède consciemment à une remise en question et apprend donc à mieux s’intégrer à un groupe et, plus largement, à la société.

D’ailleurs, comme le souligne Proulx, ce type de démarche « favorise une approche interdisciplinaire centrée sur l’intérêt des apprenants et parce qu’elle privilégie aussi, comme contexte d’apprentissage, des situations concrètes de la vie courante ». En résulte que la pédagogie par projet reflète les préoccupations du monde et fait en sorte de préparer au mieux les apprenants à s’y intégrer. Elle est une « pédagogie de l’élaboration des savoirs » le précepteur transmet savoir et savoir-faire transdisciplinaires tout en veillant à la construction d’un savoir-être en société.

Ce type de pédagogie n’est pas une technique mais plutôt une philosophie dans le sens où elle implique une réflexion de la part de l’adulte sur ce qui serait bon de proposer à ses apprenants. En effet, avec la pédagogie par projet, l’on renoue avec les centres d’intérêts des enfants. En étant à l’initiative des projets construits, l’enfant se sent acteur-réalisateur du projet. Sa motivation se trouve donc décuplée et avec elle, l’enseignement qui en découle devient une évidence : les lacunes et incompréhensions sont, par comparaison aux méthodes d’enseignement classiques, diminuées. En outre, en collaborant avec d’autres acteurs de la vie civile, l’apprenant prend conscience que l’apprentissage est une des composantes de la société : il n’a pas cette impression de « perte de temps » ou un sentiment d’apprendre des choses « qui ne servent pas ».

Découvrez la suite de ce dossier dans cet article intitulé (2/3) Les outils et le rôle de l’adulte – La méthode du Learning by doing ou la pédagogie par projet de Dewey à Freinet (exemple d’une mise en œuvre au sein d’une association)

@_apprendreavectoi_, pour Pass éducation