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De l’importance de déterminer le « projet »
Avec la méthode learning by doing, Dewey pose les jalons du concept de « pédagogie de projet » comme forme de pédagogie active : c’est à l’élève de construire sa propre pédagogie. L’idée développée par Dewey et Kilpatrick, dès le début du XXe siècle, consiste à créer des activités utiles répondant aux besoins des apprenants. C’est en effet en se sentant concernés, c’est-à-dire en comprenant dans quelle mesure l’activité mise en place leur apportera un bénéfice, qu’ils vont s’impliquer.
L’intentionnalité semble être le maître-mot de la pédagogie par projet. Mais comment alors peut-on différencier pédagogie par projet et pédagogie active ?
La pluralité des significations du terme projet rend sa définition complexe. Pourtant, de cette catégorisation il ressort nettement deux critères de définition du projet : d’une part, sur l’autonomie de l’apprenant et, d’autre part, sur les nécessaires partenariats avec les autres acteurs de la société. En d’autres termes, le projet suppose une planification, un programme et une intention ; ce qui implique nécessairement l’engagement du sujet qui a élaboré ledit projet. Selon Dewey et Kilpatrick, le projet est une activité intentionnelle dans laquelle, parce qu’il y trouve un intérêt manifeste, l’apprenant s’implique totalement. L’expression « pédagogie par projet » s’assimilerait alors à celle de « pédagogie par l’expérience » ou « educational learning ».
Il semble donc que la pédagogie par projet soit une forme de pédagogie active. Celle-ci supposant une implication de la part de l’élève et celle-là consistant plus globalement en un processus de participation. Toute pédagogie par projet est donc active mais toute pédagogie active ne repose pas sur l’élaboration d’un projet.
Dans la tradition du learning by doing de Dewey, les apprenants doivent acquérir un savoir en faisant et non en écoutant. Dewey est un pragmatiste, c’est-à-dire qu’il partage l’idée selon laquelle aucune question n’est a priori étrangère à la discussion et à la justification rationnelle, soumettant ainsi tout domaine à l’expérimentation. Cette approche fait particulièrement écho à l’Instruction En Famille (IEF) dans laquelle la dimension pratique des connaissances est cardinale.
Freinet va d’ailleurs dans le même sens puisque selon lui, « la voie normale de l’acquisition n’est nullement l’observation, l’explication et la démonstration, processus essentiel de l’École, mais le tâtonnement expérimental, démarche naturelle et universelle ». D’ailleurs, les apprenants sollicitent de plus en plus d’être acteur de leur apprentissage ; mettre en pratique, être actif et découvrir par soi-même leur permet d’appréhender au mieux les savoirs et, ainsi développer le savoir-faire. A cet égard, « les acquisitions ne se font pas comme l’on croit parfois, par l’étude des règles et des lois, mais par l’expérience.. ».
Cette démarche, qui est au cœur de la pédagogie active, a pour corollaire la pédagogie par projet « centrale dans tout discours pédagogique ». Elle « occupe un vaste champ dont l’exploration ne cesse jamais d’être passionnante » et peut servir à valoriser l’instruction d’un enfant en famille. En effet, ce processus a pour ambition de développer des compétences transversales ; il permet d’accroitre son implication dans un projet valorisant le conduisant à se questionner. Grâce à cet investissement et aux interactions sociales engendrées, la motivation de l’enfant est stimulée le plaçant au centre de son apprentissage puisqu’il en devient acteur.
En effet, cette méthode s’appuie sur les capacités d’observation, de recherche, d’analyse et de résolution de problème. L’enfant développe, de manière concomitante, une compréhension et une assimilation plus rapide de l’information. Il accroît donc sa réflexion et fait naitre, voire consolide, la confiance qu’il peut avoir en lui. En outre, cette dynamique pédagogique a pour avantage la rencontre de l’enfant à la sphère professionnelle, particulièrement utile à la socialisation des enfants instruits en famille. Au-delà de cette plus-value, la pédagogie par projet permet, in fine, de donner du sens à l’apprentissage. Ici réside l’intérêt particulier de ce type de démarche car un enfant intéressé est un enfant investi.
Ainsi définie, la pédagogie par projet constitue à n’en pas douter une valeur ajoutée pour les apprenants.
Les outils à la disposition de l’adulte pour mettre en oeuvre la pédagogie par projet
Comme le souligne Reverdy, Boutinet nous met en garde : tout projet pédagogique n’implique pas une pédagogie par projet. En effet, si l’apprenant ne s’approprie pas le projet en question, la « magie » n’opère pas et l’enseignement reste, si ce n’est théorique, du moins extrêmement flou. Cette implication de l’enfant ne relève donc pas seulement de la simple rhétorique : elle doit être effective. L’adulte doit alors repenser son rôle et alimenter la dimension collective du projet.
Le rôle de l’adulte
Même s’il est redéfini, le rôle de l’adulte, dans la pédagogie par projet, reste central. Il doit céder une partie de son « autorité » pour la redistribuer aux apprenants. Ce mécanisme est, comme le mentionne Perrenoud, « un outil majeur d’observation formative». Le précepteur, en se situant dans une position d’observation de la construction du groupe et du projet, peut agir plus efficacement comme guide. En prônant la participation à un projet collectif, l’adulte se met en retrait et, d’une certaine façon, peut ainsi mieux cerner les difficultés de chaque apprenant et les aider à les surmonter. A l’image de Montessori, pour qui la pédagogie est affaire de liberté́ et d’autonomie, la pédagogie par projet laisse cette latitude de prise de conscience des efforts à fournir par l’apprenant. Comme le relève Michonneau, l’enseignant doit savoir stimuler la motivation des apprenants en leur proposant un projet dans lequel ils puissent s’identifier ; un projet qui éveille leur intérêt.
L’adulte n’est en effet plus le détenteur du savoir mais il organise, motive et institutionnalise les savoirs dégagés de l’expérimentation par les apprenants. En d’autres termes, il gouverne mais ne commande pas. Aussi, il lui faudra éviter les excès : ne pas trop planifier, ne pas laisser trop de liberté, ne pas considérer le projet comme une fin en soi. Le « guide » doit en effet stimuler la motivation pour créer le projet, susciter la curiosité́ pour le réaliser et traduire cette expérience en termes institutionnels pour fixer les connaissances de l’apprenant.
La dimension collective du projet
Concernant l’Instruction En Famille (IEF), il peut être intéressant de développer une pédagogie par projet. Par définition, le travail en groupe suppose l’idée d’intégration. Aussi, il peut être pertinent de rencontrer d’autres familles en IEF et ainsi pour mener ledit projet avec d’autres enfants. L’adulte, qui canalise les différents apprenants, veille donc à ce que le groupe soit homogène et dynamique : il structure le projet pour que la dimension collective devienne un moteur enthousiasmant pour les apprenants.
Par le collectif, les néophytes apprennent donc à structurer le projet, à partager des idées et à s’entraider. En théorie donc, il semble que la pédagogie par projet soit le mode de transmission du futur. Elle est, pour le moins, source de grandes espérances.
La mise en oeuvre de la pédagogie par projet ou la construction d’un projet associatif
Mettre en œuvre la pédagogie par projet oui, mais quel projet ? Le projet associatif peut illustrer l’utilisation de cette pédagogie, principalement parce-que le milieu associatif permet une prise de conscience bien plus directe des contingences du monde. En ce sens, le choix d’un projet associatif permet de mettre en pratique l’idée développée par Dewey et Kilpatrick selon laquelle c’est en comprenant dans quelle mesure l’activité mise en place leur apportera un bénéfice que les apprenants vont s’impliquer. En effet, tout l’intérêt réside dans le fait de tenter une nouvelle approche pédagogique afin d’intéresser au mieux mes apprentis, de les intégrer à l’apprentissage de leur savoir.
Prenons dans notre exemple l’association ELA. Son objectif est d’aider et de soutenir les familles concernées par une leucodystrophie, de stimuler le développement de la recherche, de sensibiliser l’opinion publique et développer la sensibilisation au niveau international. Les leucodystrophies désignent des maladies génétiques orphelines ; elles détruisent le système nerveux central (cerveau et moelle épinière) d’enfants et d’adultes. La forme infantile étant particulièrement foudroyante (entre 4 ans et l’adolescence), mes jeunes élèves sont, de par leur âge, directement concernés par l’existence de cette maladie. Les premiers signes sont une diminution des résultats scolaires et des troubles du comportement : maladresse, trouble de l’équilibre, langage inarticulé, incontinence. Ainsi donc, toute particularité comportementale, tout décalage ou différence d’avec le monde familier ne peut être une raison pour se moquer ou rejeter l’autre. Tout le monde peut être celui qui est différent ; et ici, réside les valeurs véhiculées par l’association et ressentis par les apprenants.
Découvrez la suite de ce dossier dans cet article intitulé (3/3) Des conditions et des mécanismes – La méthode du Learning by doing ou la pédagogie par projet de Dewey à Freinet (exemple d’une mise en œuvre au sein d’une association).
@_apprendreavectoi_, pour Pass éducation