Le jeu et le développement du cerveau
Des études très intéressantes ont été menées par une équipe de chercheurs de l’université de l’Ohio, aux États-Unis. Cette équipe est reconnue experte en la matière. Ils étudient plus particulièrement les circuits cérébraux liés au jeu. Le chef de cette équipe, Jaak Panksepp, a établi que jouer est vital pour la croissance neurale :
le jeu est associé au plaisir, ce qui contribue à la croissance de nombreux circuits cérébraux.
C’est comme une sorte d’« engrais », qui a un nom : le BDNF (brain-derived neurotrophic factor).
Le temps passé à jouer procure beaucoup de plaisir à l’enfant, et provoque la sécrétion de toutes les hormones positives qui y sont liées, ce qui bénéficie au bon développement du cerveau. Le jeu est donc essentiel au bien-être et à l’épanouissement du jeune enfant. Plus il apprend avec joie et enthousiasme, plus son cerveau se développe, et plus les émotions positives liées à l’apprentissage l’encouragent à explorer d’autres compétences. Les circuits régulant les émotions et qui bénéficient des apports du BDNF (l’« engrais ») provoqués par le jeu, se développent jusqu’à l’adolescence. Peu à peu, les ados vont transférer les jeux d’enfants vers d’autres plaisirs, plus adaptés à leur évolution personnelle et à leur âge.
Les vertus sociales du jeu
Les jeux de contact ont des vertus sociales évidentes, et sont des anxiogènes naturels. Contrairement à ce que peuvent penser certains adultes, l’enfant qui chahute, qui se roule par terre, éprouve une profonde sensation de bien-être, liée à la sécrétion d’endorphines que provoque le jeu. Alors, surtout, laissez-les faire, et n’hésitez pas, en tant que parent, à lâcher prise et à vous adonner avec vos enfants à ce type de jeu. Ils seront encore plus heureux de partager ces moments-là avec vous, et vous bénéficierez vous aussi de la décharge d’endorphines.
Les vertus pédagogiques
A travers le jeu, l’enfant apprend à apprivoiser la vie réelle. Il reproduit les situations dont il a été témoin, chez lui, dans un lieu public, dans une structure petite enfance, etc. Il réinvente la scène avec ce que ces neurones-miroirs ont enregistré de ce qu’il a vu. Il va ensuite répéter toutes ces situations au gré de ses envies et de ses besoins. Il apprend ainsi comment fonctionnent les relations sociales, et tout plein de choses dans le monde : le repas, le coucher, le médecin, etc. L’enfant va plus particulièrement reproduire dans ses jeux des situations qui l’ont beaucoup touché émotionnellement. C’est une manière pour lui de désacraliser ce qui s’est passé – réduire ses angoisses – et de maitriser l’enchaînement des évènements, et de ses émotions, au fil des répétitions.
Favoriser le jeu
Aux parents de fournir à l’enfant, dans son environnement quotidien, ce dont il a besoin pour créer ses univers imaginaires, et jouer selon ses envies. Nul besoin de dépenser une fortune. Avec un peu d’imagination (les hormones du bonheur boostent la créativité), de simples bâtons de bois peints deviennent des personnages.
Il est d’ailleurs important de ne pas offrir un environnement trop riche, mais au contraire de permettre à l’enfant de laisser libre cours à son imagination, c’est aussi ainsi qu’elle se développe. Un environnement trop riche, avec beaucoup de jeux et jouets, freine la stimulation créative de l’enfant. Très souvent c’est aussi une cause importante de stress – l’enfant se sent submergé, et il ne sait pas où donner de la tête.
Apprendre à se connaître
Jouer permet aussi aux enfants d’apprendre à connaître les autres, et d’apprendre à se connaître eux-mêmes. D’autre part, l’interaction entre êtres humains du même âge, et d’âges différents, favorise l’intervention des neurones-miroirs : l’enfant apprend aussi en observant comment font les autres, dans une situation donnée. Il peut alors reproduire le même comportement à l’identique, ou bien l’améliorer.
Répondre aux besoins moteurs
Jouer, c’est aussi se dépenser physiquement, c’est donc répondre à un des besoins cruciaux du jeune enfant, qui est une force vivante pleine d’énergie. Il libère ainsi ses pulsions motrices, très présentes jusqu’à un certain âge (qui varie selon les individus), ce qui le rendra plus disponible pour d’autres formes d’apprentissages, plus calmes. Il est totalement vain d’essayer d’enseigner quelque chose à un enfant qui n’a pas libéré ses pulsions motrices : il sera sans cesse agité, et ne parviendra pas à se concentrer. De plus, son énervement induira certainement une bonne dose de stress, qui nuit lui aussi aux apprentissages et à la mémorisation. De ce fait, il peut être intéressant de privilégier les activités sportives le matin, prédisposant ainsi les travaux en intérieur l’après-midi.
Par ailleurs, laissez l’enfant jouer dehors, c’est lui permettre de mieux connaître son corps et ses capacités, de dépasser ses limites, et de devenir plus autonome – tout en profitant des multiples bienfaits apaisants et stimulants du fait d’être dehors.
Apprendre à vivre ensemble
Grâce au jeu l’enfant comprend qu’il y a des règles, de respect de la communauté notamment, qu’il faut suivre. Il apprend aussi à subir des échecs sans se laisser terrasser, mais au contraire à rebondir, et essayer à nouveau.
Apprendre à aimer la vie
Les possibilités de jeux sont infinies, développant chez l’enfant des capacités nouvelles, des connaissances, des habiletés, l’orientant sur sa voie de prédilection, lui offrant une nouvelle vision du monde et de la vie. Cela attise sa curiosité, son imagination, sa créativité. Cela lui garantit un bon équilibre, l’envie d’aller de l’avant. Tous ces sens peuvent être sollicités, mis en éveil. Le jeu présente donc de nombreux atouts, qui viennent s’ajouter à la sécrétion massive d’endorphines. Quand un adulte partage le jeu avec l’enfant, c’est pour lui, on pourrait dire, le sommet du bonheur. Cela favorise grandement la mémorisation et les apprentissages. Souvent, c’est aussi une bonne solution pour apaiser les tensions au sein du foyer familial, que l’on choisisse un jeu de société ou simplement une bataille de polochons. Tous ces moments de joie contribuent à donner à l’enfant le goût de vivre. Le laisser jouer autant qu’il en a besoin, et jouer avec lui, c’est lui offrir une vie beaucoup moins angoissante et beaucoup plus joyeuse.
A la lumière de ces multiples bénéfices, à la fois au niveau du développement individuel et de l’épanouissement social, il paraît évident que l’enfant doit jouer tous les jours. C’est nécessaire à son équilibre, il en a physiologiquement et : ychiquement besoin. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’en France, les devoirs à la maison ont été interdits dès 1956. Il est fort dommageable aux enfants que, dans les faits, cette loi ne soit généralement pas respectée.
Anne-Catherine Proutière, fondatrice du blog « Pédagogies alternatives en liberté », pour Pass éducation