Comme vous pourrez le constater, et vous comprendrez rapidement pourquoi, nous parlerons dans cet article essentiellement du Danemark.
Que prévoit la législation ?
En Suède
L’Instruction en Famille y est illégale. La dernière loi, datant de 2010, prévoit des autorisations exceptionnelles, par exemple en regard de l’état de santé de l’enfant, ou bien lorsque les parents viennent travailler de manière temporaire dans le pays, etc. Néanmoins, en pratique, aucune autorisation n’a encore été accordée. L’IEF (Instruction En Famille) est rigoureusement contrôlée (pour ne pas dire traquée), et toute famille qui ne scolarise pas un enfant à partir de 6 ans s’expose à de graves mesures répressives, pouvant aller jusqu’à la déchéance des droits parentaux.
En Finlande
L’IEF est légale, et le système rappelle celui qui s’applique en France, à ceci près que les contrôles pédagogiques sont sous la responsabilité des municipalités, non pas des IA. La progression des enfants est contrôlée par des examens écrits et oraux, en regard des exigences d’un socle de connaissances et de compétences commun à tout le territoire finlandais.
Cependant, le nombre d’enfants en IEF reste très faible en Finlande. Il faut savoir que le gouvernement prévoit de nombreux avantages pour les enfants scolarisés, en garantissant notamment la gratuité de quantité de livres, de la cantine, des soins médicaux, etc. Ces privilèges ne sont sans doute pas étrangers aux chiffres minimes d’enfant finlandais accédant à l’IEF.
Au Danemark
Il n’y a pas de loi qui régisse l’Instruction en Famille au Danemark – il s’agit d’un phénomène relativement récent, et il est très rare de trouver des adultes ayant pratiqué le homeschooling. Ce qui est prévu par la loi, c’est que les enfants doivent recevoir au minimum 9 années d’instruction, contenant un certain nombre de « bases », qui leur seront dispensées soit dans une école publique, soit dans une école privée, soit à la maison. C’est à peu près tout … Cependant, les autorités gouvernementales peuvent, si elles le souhaitent, contrôler le bien-être des enfants non-scolarisés – et les parents sont légalement autorisés à refuser ce contrôle. La tendance actuelle tend à suivre les habitudes en vigueur aux États-Unis, qui prônent un contrôle annuel pour tous les enfants en âge d’être scolarisés en école élémentaire – auparavant, le peu de homeschoolers que comptait ce pays rapportent des contrôles tous les … 10 ans.
Au Danemark, l’obligation scolaire concerne les enfants âgés de 6 à 15 ans, ou de 7 à 16 ans – au choix des familles. La plupart des enfants scolarisés (5 sur 6, selon les dernières données disponibles sur le Web), sont scolarisés en écoles publiques gratuites.
Traditionnellement, il était aisé et tout à fait bienvenu de créer de petites écoles, locales, partiellement gérées par les parents, et fournissant une grande autonomie aux enfants – à tel point que beaucoup ne voyaient de fait absolument aucun intérêt à pratiquer l’IEF. Cependant, ces dernières années ont vu le passage de nouvelles lois plus strictes et moins libertaires, ainsi que la montée du harcèlement scolaire en toute impunité – le discours du gouvernement danois étant pour le moment de trouver ce type de comportement « normal » chez des enfants.
Ces deux phénomènes conjugués expliquent que, ces dernières années, on ait pu constater au Danemark une augmentation en progression constante du nombre d’enfants pratiquant l’IEF. Il est fort probable qu’une législation verra le jour dans les années qui viennent, d’autant plus que les familles se plaignent beaucoup que les contrôles – qui sont, on l’a évoqué, de plus en plus fréquents – soient trop axés sur un socle commun national, alors que leur IEF est très souvent fondé sur les principes du unschooling, ce qui signifie, selon eux, que les contrôles devraient être adaptés aux compétences individuelles de chaque enfant – une idée fort séduisante n’est-ce-pas ? et si on se battait aussi pour ça, en France ?
Enfin, notons que les enfants en IEF au Danemark travaillent en moyenne entre 2 à 3 heures par jour, avec une variation qui suit l’âge des enfants. Nombreux sont les parents qui accèdent à l’IEF en France et se croient obligés de travailler un certain nombre d’heures, un nombre qui se rapproche étonnamment du système scolaire qu’ils ont pourtant fui. Pourtant, ne travailler que quelques heures par jour est, en effet, tout à fait possible – n’oublions pas un des fameux adages du unschooling, « c’est en vivant que l’on apprend ». A partir de là, nulle nécessité de passer des heures assis devant un bureau.
En suivant ces liens, vous pourrez lire les plus connus des blogs danois sur l’IEF – ils sont rédigés en danois mais aussi en anglais :
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- Cecilie Felum Conrad y expose son expérience personnelle de l’unschooling, allié au désormais célèbre mode de vie danois, connu sous le nom de hygge (prononcer hougga). Il s’agit là d’une véritable philosophie de vie différente (elle prône notamment le cododo, même avec des enfants plus grands. Son unschooling est très ouvert aux expériences avec les autres).
- Celui-ci colle plus à l’IEF en elle-même.
Le phénomène des Forest Schools à la danoise
Le Danemark est très connu pour ce mouvement des Forest Schools, qui prend de plus en plus d’ampleur en France – et ce bien que, là aussi, le caractère très récent du phénomène fait qu’il n’y ait pas encore de législation à cet égard. L’enfant peut suivre la pédagogie forestschooling dans le cadre de son Instruction en Famille, comme il peut intégrer un établissement reconnu.
Ce mouvement nous intéresse parce qu’il possède de nombreux points communs avec les pédagogies alternatives qu’il est possible de suivre en IEF, et avec les idées véhiculées par le unschooling. En outre, il permet aux enfants de s’ouvrir aux apprentissages de manière naturelle, volontaire, favorisant l’autonomie, l’éveil des sens, et de nombreuses autres qualités que nous évoquerons plus loin. Au Danemark, c’est une alternative très courante, un juste milieu entre IEF et scolarisation classique.
Quelle forme de pédagogie prônent les Forest Schools ?
Dans ces écoles, qui n’ont de scolaire que le nom, on ne connaît pas de séparation entre le jeu et les apprentissages : jouer, c’est apprendre. Le mouvement des Forest Schools s’inspire très largement de la pédagogie Froebel, qui insistait sur l’importance du rôle de la Nature et du jeu en extérieur dans les apprentissages. L’idée est ainsi venue aux Danois de créer un nouveau genre de « Kindergarten ». Les Forest Schools sont ainsi plutôt destinées aux plus petits (c’est-à-dire avant l’âge du primaire), bien que leurs atouts et bienfaits seraient certainement bénéfiques à tous.
Les adultes ne sont pas des enseignants, mais des accompagnateurs, des personnes présentes mais discrètes, des guides à la fois co-explorateurs et co-aventuriers. Selon le type de Forest School, les adultes encadrent les enfants avec des activités proposées, ou bien au contraire laissent l’enfant libre de décider lui-même de ce qu’il va faire, en fonction de ses goûts et de ses envies, dans un environnement donné – qui est le plus souvent le site de la Forest School, une portion de forêt privée.
Quels sont les intérêts d’une telle pédagogie ?
Les apprentissages en Forest Schools, sont donc, par essence, menés par l’enfant, exclusivement axés sur le jeu, et très ouverts – même si les adultes encadrant proposent des activités, elles sont plus des pistes, des orientations – il se passera le plus souvent ce que l’enfant décidera. Par exemple, beaucoup proposent des activités autour de l’eau et de la boue. Les enfants ont à leur disposition diverses catégories d’ustensiles, ils se retrouvent dans un espace délimité avec tout cela à disposition, et en font ce qu’ils veulent, laissant libre cours à leur imagination – sans autorité qui va les éloigner de leurs propres idées et envies, sans contrainte imposée par l’adulte. Si un enfant ne souhaite pas participer aux activités avec le groupe, ce n’est aucunement un problème : on le laisse grimper à l’arbre, aller s’allonger à l’écart avec un livre, ou escalader la roche, si tel est son désir. L’adulte ne doit pas venir entraver la volonté et les souhaits de l’enfant, dans la mesure, bien entendu, où la sécurité de l’enfant n’est pas mise en question.
Concrètement, quels sont les intérêts de proposer ce type d’activités à l’enfant, et de le laisser dehors par tous les temps, plutôt qu’il soit dans une école « classique », ou même instruit à la maison ? Quelles qualités ce type de pédagogie permet de développer chez les enfants ?
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- Confiance en soi
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- Développement de la motricité, du sens de l’équilibre, des capacités corporelles
- Endurance
- Imagination
- Collaboration/esprit d’équipe/entraide
- Prise de risque et d’initiative
- Résilience
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En outre, diverses études scientifiques ont démontré que tous les esprits sont apaisés par le contact avec la Nature, ce qui prédispose aux apprentissages – on comprend et on apprend tellement mieux quand on est détendu.
Enfin, l’enfant en forestschooling apprend à sortir par tous les temps – en appliquant cette phrase célèbre d’une danoise émigrée aux États-Unis, « there’s no such thing as bad weather », qui a été traduite en français par, « il n’y a pas de mauvais temps, il n’y a que des mauvais vêtements » (des vêtements inadaptés dirons-nous plutôt). Cette capacité est primordiale : devenus adultes, ces enfants ne se laisseront pas envahir par les sentiments de grisaille, voire de désespoir, liés à la météo et au manque de lumière – et au Danemark, c’est particulièrement important.
Anne-Catherine Proutière, fondatrice du blog « Pédagogies alternatives en liberté », pour Pass éducation