IEF (Instruction En Famille) versus instruction en établissement scolaire

Que l’on choisisse l’Instruction en famille (IEF) ou la scolarité dans un établissement, chaque méthode a ses avantages et ses inconvénients. Il y a deux raisons principales qui guident les parents vers l’IEF : soit c’est un véritable choix d’éducation, soit c’est par conscience des défaillances du système scolaire français. Mais si l’instruction à l’école peut présenter des faiblesses, l’IEF peut aussi avoir quelques lacunes qu’il vaut mieux connaître avant de se lancer dans l’aventure avec ses enfants. Un parent averti en vaut deux !

Par établissement scolaire, j’entends tous les établissements publics et privés sous contrat. Les établissements privés hors contrat avec l’Education nationale ne sont pas abordés ici car chaque structure a son mode de fonctionnement spécifique.

L’environnement de travail

Pour bien apprendre, il faut se sentir bien. L’environnement de travail est donc primordial, aussi bien la pièce où l’on étudie que son entourage immédiat. Ainsi, la maison ou l’appartement arriveront toujours loin devant la plupart des établissements scolaires car le cocon familial rassure et met d’emblée l’enfant en confiance. Il peut travailler dans la pièce où il se sent le plus à l’aise, la cuisine, le salon, sa chambre ou un autre espace que les parents dédient aux apprentissages et qu’ils ont aménagé spécifiquement pour l’IEF. Autre atout de l’école à la maison : le calme. Le brouhaha des salles de classe au travail et le bruit assourdissant dans la cour ou la cantine peut être très pesant pour les enfants. Toutefois, les écoles maternelles et primaires ont depuis longtemps pris en considération l’environnement de travail : murs colorés, décoration en fonction des âges des enfants, mobilier adapté. Souvent des jeux viennent égayer des cours de récréation qui conservent pour certaines encore de beaux arbres fournissant une ombre salvatrice en été. Évidemment, toutes les structures ne bénéficient pas de conditions idylliques mais les municipalités, responsables des écoles, ont souvent à cœur de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour bien accueillir les jeunes générations dans leur commune. Donc les écoles maternelles et primaires peuvent aussi offrir un cadre rassurant et agréable aux enfantsPour ce qui est des collèges et lycées, c’est nettement moins vrai ; des salles de classe plus souvent impersonnelles se répartissent de part et d’autre de sombres et étroits couloirs sans charme. Le cadre de travail devient tout d’un coup moins accueillant tout comme les cours de récréation destinées à des élèves qui n’ont souvent d’autre activité que de tourner en rond à heure fixe. D’où l’ennui peut-être de nombreux enfants surpris à rêver en regardant par la fenêtre. La salle de classe est froide, l’assise est rigide, la table est trop petite pour étaler ses affaires. Qui aurait envie de travailler ainsi ?

Les apprentissages

L’IEF permet ce qu’il est de plus en plus difficile en établissement scolaire au fur et à mesure que l’enfant grandit : l’adaptation de l’enseignement aux besoins de l’enfant. Le parent accompagnant, même s’il s’occupe de toute une fratrie, peut adapter le contenu des cours, la pédagogie utilisée, les méthodes. Les enseignants différencient le travail en fonction des élèves, bien évidemment, mais c’est plus difficile de connaître chaque besoin particulier puis de proposer un travail adéquat lorsque la classe comporte 30 élèves ou plus. Un professeur des écoles arrive, en général, à comprendre le mode de fonctionnement et les besoins de chaque enfant car il le côtoie toute la semaine, tandis qu’un professeur en collège se retrouve avec beaucoup de classes pour des créneaux d’une cinquantaine de minutes 3 à 4 fois par semaine. A titre d’exemple, un professeur d’histoire et géographie au collège enseigne sa matière à environ 180 élèves et voit chacun d’entre-eux moins de 3 heures par semaine. Dans ces conditions, comment différencier les apprentissages de manière efficace ? L’IEF prend ainsi tout son sens. Elle permet une vraie prise en compte de l’humain, ajuste le rythme d’apprentissage, le niveau de difficulté. Elle incite à prendre du recul sur les obligations déterminées dans les programmes scolaires et permet de suivre aussi les désirs d’apprentissage de l’enfant dans des domaines qui ne sont pas abordés à l’école. Tout est possible. L’IEF, c’est aussi l’absence de compétition, de comparaison. L’enfant est confronté à lui-même et prend conscience que l’essentiel est de faire du mieux qu’il peut. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas avoir d’exigences, bien au contraire. N’est-on pas heureux et fier lorsque l’on dépasse ses limites ?

La vie en société

« Mais tu vas en faire un associable ! Comment ton enfant va-t-il s’insérer en société s’il est toujours seul ? Il n’aura pas de copains/copines ! »

On retrouve souvent ces arguments dans la bouche des détracteurs de l’IEF ou, tout simplement, de gens qui n’en ont jamais entendu parlé, la majorité de la population en France ignorant tout simplement cette possibilité. On peut aussi ajouter la difficulté que l’enfant aura à se construire en ayant pour modèle unique ses propres parents. On comprend l’inquiétude qui perce dans ces discours qui, finalement, ne s’interrogent que sur le bien-être de l’enfant. Mais cette interrogation, les parents qui ont choisi l’IEF se la posent également ! Il y a une multitude de possibilités pour que l’enfant ne soit pas seul tout le temps, vous pouvez trouver des réponses à cette question dans l’ensemble des articles Pass Education liés à la sociabilisationIl n’est pas forcément utile de noyer l’enfant sous des dizaines d’activités extra-scolaires ! Dans tous les cas, un enfant sera plus sociable s’il a confiance en lui. Cet aspect est primordial. Combien d’enfants un peu timides, peu sûrs d’eux à l’école se retrouvent aussi sans copains dans la cour de récré ?

Donc venons-en à l’école. Permet-elle de mieux sociabiliser les enfants ? Ce n’est pas certain. Dans la salle de classe, pas question de bavarder et dans la cour de récréation, les enfants se rapprochent de quelques camarades mais restent en général dans un cercle assez restreint. Par ailleurs, les comparaisons, moqueries ou pire encore, les cas de harcèlement, qui parsèment le parcours en établissement scolaire de bien des élèves, détruisent plus le lien social qu’ils ne le créent.

Les moyens humains, matériels et financiers

Si les moyens alloués par l’État à l’éducation sont insuffisants, ils restent importants tant au niveau humain que matériel, et on peut donc avoir des difficultés à créer des conditions optimales lorsque l’on choisit l’IEF.

Au niveau du matériel, les enseignants fournissent la matière première avec leurs cours et leurs exercices, les collectivités locales mettent à dispositions des manuels jusqu’au collège. On trouve des bibliothèques dans les écoles, des Centres de Documentation et d’Information dans les collèges et lycées, des salles informatiques dans la plupart des établissements. L’investissement financier pour l’IEF peut donc être conséquent entre supports de cours, matériel pédagogique, livres et matériel informatique à acheter. Au niveau humain, les enseignants ont un haut niveau d’étude et possèdent une expertise réelle que notre société tend trop souvent à leur soustraire. Un enseignant est capable de mettre en œuvre de multiples stratégies pour aider un enfant à progresser. Par ailleurs, plus on avance dans la scolarité, plus les savoirs sont pointus. En tant que parent accompagnateur, on ne peut pas tout savoir sur tout, il peut être difficile de se passer des savoirs et des compétences d’un spécialiste lorsque l’enfant granditEnfin, nous avons tous tendance à proposer à nos enfants ce que nous aimons, à les orienter vers les domaines dans lesquels nous sommes à l’aise. Et si cela ne les intéressait pas ? Comment accompagner l’enfant qui n’a pas les mêmes goûts, les mêmes envies, la même façon de raisonner que soi-même ? Ce n’est pas si évident. D’où l’intérêt d’avoir recours à des supports pédagogiques qui vont proposer un autre angle de vue que celui du parent accompagnateur, et de céder parfois la place à un autre adulte pour guider ses enfantsFaire un choix entre IEF et instruction dans un établissement scolaire relève de critères très personnels. Choisir un mode d’éducation un jour n’empêche pas d’en changer le lendemain. Aucun système n’est parfait et, quel que soit le chemin emprunté, l’essentiel dans tout ça, c’est bien que l’enfant y soit heureux et s’y épanouisse.

Carine Poirier, auteure et cofondatrice de parenthesenomade.fr, pour Pass éducation