John Holt pensait que tout être humain est naturellement ouvert aux apprentissages – « the human animal is a learning animal ». Les humains et plus particulièrement les enfants, sont particulièrement doués pour apprendre. Ils en ont envie et en sont capables. Le danger ou le frein à l’apprentissage vient des personnes extérieures, qui cherchent à modeler ces apprentissages, à les réguler ou, pire encore, à les contrôler.
Les avantages du « homeschooling ».
De ce fait, pour lui, le « homeschooling » était une évidence. Homeschooling, c’est faire « l’école à la maison » pour rependre des termes souvent utilisés en France, avec un ou les deux parents assurant l’instruction de l’enfant. Ce système présente, selon Holt, de multiples avantages :
- les apprentissages se font dans l’intimité ;
- les horaires sont flexibles ;
- on n’est pas pressés par le temps (dans les faits, en France les contrôles de l’Inspection Académique sont malheureusement souvent vécus comme des couperets, avec les fameuses exigences du socle commun) ;
- les parents ou autres accompagnants sont disponibles pour répondre aux besoins de l’enfant ;
- ils mettent à disposition de l’enfant les moyens de répondre à ses envies et ses centres d’intérêt ;
- on s’adapte selon les dispositions quotidiennes de chacun : « day-off » si parent ou enfant est malade, fatigué ou non disposé (on se la coule douce !) ; au contraire « big day » si l’enfant est plein d’énergie (on fait plein de choses).
Le propos de John Holt n’était pas tellement de jeter la pierre aux écoles traditionnelles. Il fût cependant un des premiers à considérer, et dénoncer, le manque d’efforts fourni par ces institutions pour se mettre au niveau des besoins des enfants, et pour s’y adapter de la meilleure façon possible – une tâche pas si ardue que cela selon lui, et à laquelle il aurait été facile de remédier. Pour lui, le foyer familial est tout simplement le meilleur endroit pour les apprentissages. L’école ne devrait être perçue que comme un supplément, au même titre qu’une bibliothèque ou un stade – en tout cas, pas comme un endroit où les enfants passent le plus clair de leur temps.
Le foyer est le point central de la vie de l’enfant. D’ailleurs, soulignait-il, on trouve de nombreuses sociétés sans école dans le monde, mais jamais, jamais sans foyer familial.
Cours, programme ou apprentissage libre ?
John Holt pensait qu’il n’était pas nécessaire d’avoir un programme, ou de suivre un cours précis. Selon lui, les parents répondaient aux questions des enfants au fur et à mesure qu’elles se présentaient, et les enfants apprenaient ainsi, naturellement, au gré des situations, en les vivant simplement avec leurs parents.
Suivre les passions de l’enfant.
Un autre intérêt du homeschooling, en même temps qu’un devoir des parents, est de permettre aux enfants de s’engager sur une voie qui les intéresse, les passionne : contrairement à l’école classique, l’adulte doit observer l’enfant, et une fois qu’il a bien déterminé ce qui le passionne, faire en sorte que tous les moyens soient mis à sa disposition pour qu’il s’engage dans cette voie. L’adulte doit aussi être capable de déterminer quel type de support est le plus apprécié par son enfant. L’enfant se retrouve alors avec une variété d’éléments répondant à ces intérêts propres, ainsi qu’à ses goûts (matériel à manipuler, livres, informatique, musique, etc). En les étudiant avec passion, à son gré et à son rythme, l’enfant apprendra bien mieux et plus efficacement que sur les bancs de la meilleure des écoles. Ce système permet en outre à l’enfant de travailler en autonomie : le temps passé avec le parent est alors choisi, pas obligé par les apprentissages, et c’est bénéfique pour tout le monde – plus de bonheur ensemble, et en même temps plus de temps à soi pour chacun.
Doit-on être diplômé pour faire du « homeschooling » ?
Selon John Holt, à partir de 7/8 ans les enfants commencent à se détacher des parents et à apprendre seuls. On l’a vu : en étudiant ce qui les stimule notamment. Mais, cela peut être aussi en allant vers les autres, en découvrant le monde et en n’hésitant pas à questionner d’autres adultes, en dehors du cercle familial, pour en apprendre plus notamment sur des sujets non maîtrisés par les parents, ou bien pour avoir d’autres points de vue. Ceci, ajouté aux autres caractéristiques du homeschooling selon John Holt, présente un avantage considérable : il n’est pas nécessaire que les parents possèdent un grand savoir, et il n’est pas grave qu’ils ne soient pas férus de maths et de physiques, ou de quelque autre matière que ce soit. Pour les questions qui ne trouvent pas réponse à la maison, l’enfant homeschooler apprendra à aller chercher ailleurs.
La socialisation
En ce qui concerne un des aspects les plus souvent critiqués de l’école à la maison, notamment en France, John Holt considère que l’école fait plus de mal que de bien aux enfants. D’abord, parce que les principales qualités humaines (gentillesse, patience, générosité etc) se développent bien mieux dans l’intimité, en petits groupes de 2 ou 3, voire 4, individus. Grandir dans des groupes beaucoup plus larges d’enfants conduit malheureusement à apprendre bien d’autres aspects de la vie en commun : popularité et donc impopularité, compétition, harcèlement, etc. Les enfants « homeschoolers », s’ils apprennent chez eux, ne sont pas pour autant prisonniers ! Ils sortent, rencontrent d’autres enfants dans les terrains de sport, les bibliothèques, les cinémas, les musées, les animations publiques, etc.
La gestion du temps
Les parents homeschooler doivent vraiment arrêter de se mettre la pression et de se dire qu’il faut travailler tant ou tant d’heures par jour. Réellement, sur une journée passée en classe, combien de minutes pensez-vous que les enfants ont passé à apprendre quelque chose qu’ils retiendront ? en réalité, très peu. Il y a le temps où les élèves papotent, celui où ils rêvassent, celui où ils regardent par la fenêtre, celui où ils ne comprennent pas un mot de ce que dit l’enseignant (mais se gardent bien de le dire …). A tout prendre, l’enfant homeschooler, qui a une oreille attentive en la personne de son parent éducateur, a bien plus de chances d’apprendre quelque chose, même s’il ne travaille que 15 minutes par jour – et cela a été prouvé maintes et maintes fois.
Anne-Catherine Proutière, fondatrice du blog « Pédagogies alternatives en liberté », pour Pass éducation