Madeleine Mazzetti
Une école naît parce que des parents ont voulu cette pédagogie. C’est ainsi qu’une école voit le jour. A Sorgues, il y a 25 ans, un groupe de parents a souhaité créer une école pour leurs enfants et l’école a débuté. Il y a actuellement plus de 300 enfants dans cette école.
Maintenant, je vais vous parler de la petite enfance. Durant la petite enfance, on nous enseigne que l’être humain possède une tête, un abdomen et des membres, donc une tête, un corps et des membres.
Lorsque nous observons les enfants, qu’ils soient petits ou grands, ils nous inspirent une grande joie car ils sont en mouvement. Ce mouvement est leur vie et ils ne peuvent pas le canaliser. Nous les voyons bouger dans toutes les directions, découvrir le monde et expérimenter, et pour nous, il n’y a souvent pas de but. Mais si nous les observons un peu plus attentivement, nous pouvons voir qu’ils ont un but : ils jouent. Tout petit, souvent, ils prennent, ils posent, ils jettent. Il faut un peu de temps, mais ensuite tout cela s’organise.
Au niveau de la tête, le petit enfant naît avec une tête déjà très vive et très active. Il entend, voit, goûte et ses sens se développent rapidement.
Quant aux organes, Steiner nous explique que les organes du petit enfant ne sont pas encore terminés à sa naissance. Il faut attendre entre 6 et 7 ans pour qu’ils se terminent, c’est-à-dire qu’ils se modèlent, se transforment et s’adaptent à la condition terrestre. Il est donc essentiel de donner au petit enfant le temps de se former, de se modeler grâce à tout ce qu’il va rencontrer sur Terre. Cela lui permettra, à l’âge de 6 ans, d’entrer à l’école primaire pour apprendre à lire et à écrire car toutes ses forces seront dirigées vers l’intellect, la logique et le raisonnement.
C’est donc la base de notre pédagogie : accueillir l’enfant avec les parents, bien entendu, ainsi que les grands-parents, mais aussi l’accueillir sur son chemin qui va le mener jusqu’à 6-7 ans pour terminer sa formation, sa propre création interne et bien sûr, la découverte du monde. Et cela passe par l’expérimentation dans le monde.
Ainsi, nous pouvons voir que la tête, le tronc et les membres sont des parties de l’être humain bien plus importantes que ce que l’on veut nous faire croire. Il nous revient d’aller chercher, de nous renseigner et d’expérimenter, de regarder les petits enfants et de les observer car ils nous apportent énormément de connaissances.
Lorsque nous regardons encore le petit enfant, nous le voyons dans tous les sens, avec de la joie, de l’enthousiasme, des pleurs, des cris et des rires. Il n’y a pas de limite et c’est normal. Rien n’est retenu. Le monde, l’environnement, l’imitation de papa, de maman et de tout son espace qui rayonne autour de lui va également façonner ses émotions.
Au niveau des émotions, eh bien, nous en avons, mais nous avons appris coûte que coûte à les canaliser. Mais le petit enfant, lui, n’en est pas là. Il joue, il vit, il bouge. Quelle est la manière dont nous l’accompagnons pour qu’il découvre le monde ? Voilà la question que nous devrions tous nous poser. Dans quel environnement proposons-nous à ce petit enfant de vivre ? Quel environnement matériel et physique voulons-nous lui offrir pour la vie ?
Le petit enfant va découvrir en premier les adultes : maman, papa, grand-mère, la famille, des frères et sœurs. Et, peu à peu, il rencontrera d’autres parents, d’autres personnes, puis il ira à l’école, à la crèche, chez l’assistante maternelle, etc.
Ainsi, il sortira de son milieu familial. Mais ce milieu familial a déjà un cœur, un centre. Et là où le petit enfant ira, les parents auront également choisi un centre, un cœur. Ils ne le laisseront pas n’importe où, n’importe comment. Vous le savez bien, c’est la base.
Il y aura une continuité. Cette continuité, ce lien qui pourra se poursuivre entre la famille et la personne qui continuera à entourer ce petit enfant, permettra à la confiance de l’enfant de se développer.
Il y a beaucoup de mots, beaucoup de situations que nous pourrions nommer, mais vous les connaissez mieux que moi. Je parlais donc de la séparation. Quand on parle de séparation, on parle également de retrouvailles, de liens, de cohérence entre les milieux où nous laissons l’enfant, surtout le petit enfant. Donc cette cohérence, ce lien, il pourra se l’approprier, l’intégrer, l’apprendre avec, et prendre avec lui toutes ces situations pour construire sa personnalité. Parce que, bien sûr, c’est la personnalité que nous voulons accompagner pour que cet enfant puisse aller jusqu’à l’acquisition de la pensée et de la liberté.
Dans les jardins d’enfants, nous proposons du matériel très simple basé sur des matériaux naturels (la laine, le bois, la soie…). Pourquoi ? Parce que ce sont des éléments qui apportent de la force aux enfants. Le plastique n’apporte pas de force, il en prend à l’enfant.
Notre pédagogie est tournée vers ces matières-là. Les ateliers que nous proposons à l’enfant paraissent simples parce que nous faisons ce que l’enfant de deux ans peut faire dans la joie et de manière volontaire. C’est l’enfant qui viendra spontanément rejoindre soit la jardinière, soit le professeur, soit le groupe d’enfants pour chercher en lui la force et la volonté de se diriger vers une activité. Ce n’est pas, pour nous, une animation extérieure. Parce qu’animer l’enfant de l’extérieur, nous le savons, c’est facile, car il est déjà à l’extérieur.
Mais notre projet, c’est qu’il rentre doucement à l’intérieur de lui-même, pour se rencontrer, se reconnaître et avancer avec lui-même. Alors, bien sûr, il y a les copains, les copines, et les bagarres, c’est pareil partout.
Ce petit enfant va donc apprendre parce que son environnement sera riche, il sera guidé par des adultes et il sera d’autant plus prêt à apprendre qu’il pourra imiter des adultes qui agissent avec un sens. Nous donnons une orientation à nos gestes. C’est en donnant une orientation précise à nos gestes d’adultes que le petit enfant pourra se mettre à côté de nous pour faire la même chose, sans qu’on ait besoin de tout expliquer. Lorsque nous expliquons à l’enfant, ses mains sont détournées de l’attention première (par exemple, en disant « fais attention à tes doigts lorsque tu coupes une pomme »: le petit enfant est alors dans l’intellect et dans la peur, et il oublie ses doigts, ce qui peut causer un accident. En revanche, si vous coupez tranquillement votre pomme et que l’enfant est en confiance, il va couper tranquillement sa pomme avec la plus grande des confiances). Vous voyez donc que ce sont des choses très simples. Où en sommes-nous avec nos gestes?
Et où en sommes-nous avec nos paroles ? Les enfants nous imitent. Ils répètent tout, les belles choses comme les moins belles. C’est exactement la même chose qu’avec les gestes. Que disons-nous devant les enfants ? Racontons-nous le monde avec toutes ses tristesses ou avec toutes ses joies, toutes ces joies de rencontres, de projets et d’amitié? L’enfant va modeler ses organes avec tous ces éléments.
Dans les jardins d’enfants, nous essayons donc de parler d’une façon imagée. C’est-à-dire que nous utilisons un langage exactement comme celui que je vous dis actuellement, mais accompagné d’une image qui permettra à l’enfant de moins passer par l’intellect et de concrétiser une chose qui est devant lui. Grâce à cette image et à ce langage imagé, nous pourrons permettre à l’enfant de construire son imaginaire. Ensuite, l’imaginaire et l’expérimentation dans le concret vont lui permettre de développer des concepts. Les concepts que nous avons acquis, nous, l’adulte, lui permettront de construire ses propres concepts. Et à partir des concepts, il pourra développer sa pensée, sa réflexion et sa liberté.
Il y a un sens dans notre pédagogie. Nous ne partons pas de la même façon. Nous partons doucement, lentement, avec douceur et chaleur, car le petit enfant est dans ce climat-là. S’il doit acquérir une autonomie sécurisante, il a besoin de tout cela pour y arriver. Au jardin d’enfants, nous avons des temps très réguliers, car le rythme et la répétition lui permettront de se construire, comme il a construit ses organes, et de construire aussi ses émotions et son intellect. Le rythme introduit dans le jardin d’enfants à travers la semaine, le mois et les saisons permet à l’enfant de s’orienter dans le monde. Nous célébrons les fêtes saisonnières, comme le printemps et Noël, qui reviennent chaque année. Au jardin d’enfants, chaque jour, l’enfant est accueilli et il y a un temps de jeu libre, des comptines, des rondes et des histoires. Cela fait partie intégrante du jardin d’enfants et est crucial pour structurer doucement l’enfant et l’aider à se découvrir lui-même. Ce qui se passe pendant le temps de jeu libre est extraordinaire. Je n’ai pas le temps d’en parler ici, mais pendant ce temps, tout est à la disposition de l’enfant, comme à la maternelle. Il y a des espaces de jeu avec des poupées et l’enfant peut interagir avec les autres. La relation de l’enfant avec les autres est très importante, car c’est ainsi qu’il apprend à se découvrir lui-même.
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Une conférence de Madeleine Mazzetti et Marie-Anne Steiner :
Sylviana de Lamour en Vadrouille, pour Pass éducation