Comment en est-on arrivé là ?
Le burn-out guette tous les parents en général, et tous les parents ayant fait le choix de l’ IEF (Instruction En Famille) en particulier. D’abord, parce que c’est un choix difficile à faire qui implique de faire quelques sacrifices sur son temps à soi ; ensuite, parce que cela implique une pression sociale énorme. Au-delà des regards noirs de belle-maman qui trouve que c’est un scandale ; au-delà des airs désapprobateurs des commerçants qui vous jugent comme de mauvais parents irresponsables ; au-delà, encore, de ces regards en coin et de ces questions malveillantes et intrusives dont vous êtes la cible lorsque vous allez au parc ; la grande question, découlement logique et implacable de la société ultra-exigeante dans laquelle nous vivons aujourd’hui, c’est LA PERFORMANCE. En est-on capable ? Va-t-on réussir ? n’allons-nous pas ruiner l’avenir de nos enfants ? les rendre asociaux ? etc. La liste est longue. C’est ce souci de performance, le plus souvent, ou plus précisément les multiples angoisses et pressions qu’il impose aux parents instructeurs, qui amène au burn-out. La peur de mal faire crée cette pression et ces angoisses. La difficulté ne réside pas tant dans le nombre de choses à faire, que dans l’obligation de réussir. Le parent se trouve submergé par les tensions extérieures, elles envahissent son bien-être intérieur ; s’ensuivent de nombreux questionnements, qui conduisent à l’égarement, la perte de sens, la perte de son propre chemin.
Le burn-out parental est un signal d’alarme puissant qui alerte sur la nécessité de changer quelque chose, car la vie a pris un mauvais tournant, au fil des années. Il faut s’interroger avec bienveillance et tolérance, sur ce qui se passe, en soi et autour de soi.
Burn-out : un drame au quotidien
C’est déjà dramatique en soi, à titre personnel, pour le parent victime de burn-out. Mais en plus, et contrairement à ce que l’on pourrait croire, les enfants captent très bien cet abattement. Dès lors, comment pourraient-ils, à leur tour, avoir envie de progresser et changer ? Dans une famille, les êtres sont connectés : ychiquement. Le stress et la dépression des uns ne passe jamais inaperçus, même chez les tout-petits. Les enfants ressentent les malaises des parents, ils expriment alors leur propre panique face à ces comportements qui sont hyper angoissants pour eux. Cela se traduit par des comportements jugés excessifs, hyperactifs, mus par l’agressivité et le stress (colère, frustration, agressivité), ou bien au contraire par des comportements de repli sur soi-même (quoi qu’il en soit, ce sont des comportements symptomatiques). Ce mécanisme, qui ne nous semble pas logique, l’est pourtant parfaitement quand on réfléchit deux minutes à la question. Les comportements des parents laissent apparaître, même inconsciemment, leur difficulté à gérer l’instant, et cela rejaillit sur l’enfant par une sensation, elle aussi inconsciente, de panique. L’épuisement des adultes les effraie, car ils y décèlent les prémisses d’un abandon potentiel (la plus grande hantise des enfants).
Bien sûr, cela ne fait qu’enfoncer un peu plus le parent épuisé, et c’est alors l’enchaînement infernal, il est urgent de réagir, et de se faire aider.
Comment s’en sortir ?
La première chose à faire est de vous recentrer sur votre amour pour vos enfants. Souvent, les spécialistes conseillent de focaliser votre attention sur des photos de vos enfants bébés, et de se remémorer les bons moments. Ensuite, rappelez-vous pourquoi vous avez choisi ce mode d’éducation ? à moins que l’enfant soit atteint d’une pathologie qui rende la scolarisation classique trop compliquée, vous avez certainement voulu vous éloigner du rythme particulièrement lourd imposé par le système scolaire. Alors, laissez-vous aller ! prenez le temps ! si vous en avez marre, faites une pause. Quelques jours, quelques semaines, peu importe, vous en avez besoin, faites-le, et sans stress ! si vous êtes en burn-out, c’est que vous êtes déjà en homeschooling depuis un moment, vos enfants et vous-même avez probablement déjà pris l’habitude plus ou moins consciente d’intégrer les apprentissages à la vie quotidienne. Faites une pause donc, mais stimuler les processus de réflexion : par la lecture, la discussion, le jeu ; stimuler aussi les compétences créatives intrinsèques en tout un chacun. Laissez-le cuisiner, peindre, dessiner à l’envie, laissez-le collectionner les coquilles d’escargots morts (tiens, et si on les comptait ? et si on les triait par catégorie ? l’air de rien, vous avez fait une leçon de maths, tellement plus stimulante qu’un exercice rébarbatif du manuel !). Laissez votre garçon de 8 ans sortir la machine à coudre, laissez la petite plonger sa jolie robe dans la terre pour aller faire le potager avec son grand-père. C’est tellement plus enrichissant que d’être enfermé en classe, et en plus, ça fait de merveilleux souvenirs !
Ainsi, vos enfants continueront d’apprendre, vous aussi probablement, dans une ambiance beaucoup plus détendue. Soyez à l’écoute, découvrez ou re-découvrez, ce que préfèrent vos chérubins, ce qui excite le plus leurs intérêts et leurs sens, et laissez-vous guider dans leur direction.
Profitez de ces instants plus calmes et moins tendus pour vous interroger sur vous-même, et vous recentrer sur votre être intérieur, vos valeurs. Libérez-vous peu à peu des pressions extérieures, et du regard des autres. En tant que parent, vous êtes a priori la personne la mieux à même de savoir ce qui est bon, ou mieux, pour eux.
Dans la foulée, apprenez à être plus tolérant avec vous-même : personne n’est parfait ; les exercices, les leçons, ne le sont pas plus chez vous qu’ailleurs, même si les photos Instagram vous conduisent à penser le contraire. Acceptez-vous tel(le) que vous êtes, et acceptez vos enfants aussi tels qu’ils sont ! Là, réside encore un grand danger des réseaux sociaux, on y retrouve ce qui nous a très souvent pourri la vie lorsque nous étions nous-mêmes enfants et scolarisés : LA COMPARAISON.
Les smartphones participent encore dans un autre registre à la dégradation de notre vie quotidienne familiale. On est tout le temps tenter d’y répondre, d’y jeter un œil pour x raison. Or, les enfants ne manquent pas de remarquer que, dans malheureusement la grande majorité des cas, on met nettement moins d’enthousiasme ou de réactivité à répondre à leurs propres demandes. Cela aussi participe à la dégradation de la qualité relationnelle, et, par rebondissement, au moral de chacun. Quoi qu’il arrive dans votre parcours de vie parentale, n’oubliez jamais que la qualité de votre relation à vos enfants doit rester votre priorité numéro un. Tout le reste n’est qu’élément secondaire qui, s’il ne trouve pas sa place dans votre relation sans avoir un caractère intrusif, doit être éliminé ou mis de côté tant que vous êtes ensemble.
On enchaîne alors, en toute logique, avec l’élimination de ce qui est superflu, inutile ou désagréable dans notre vie commune. On se concentre plutôt sur être ensemble, et être heureux, et on met en place de nouvelles habitudes pour que cela arrive. Adaptez votre vie en fonction de vos choix, de ce que vous dictent votre cœur et votre bon sens. Cessez d’analyser tout le temps, ça ne fait qu’alimenter les angoisses et les doutes. Écoutez votre intuition, écoutez les désirs de vos enfants, et donnez-leur les moyens de réaliser ce qu’ils aiment (même si c’est se baigner dans une mare de boue !).
Ne lésinez pas sur la planification de moments heureux, et partagez cela avec eux, l’enthousiasme commun rapproche, revivifie, et se projeter dans l’avenir des moments heureux déclenche les hormones positives avant même que l’évènement ait lieu. Il faut se focaliser sur tous les aspects positifs de votre existence (tenir un journal de gratitude peut beaucoup aider). Les enfants adopteront inconsciemment la légèreté de votre bonne humeur, par mimétisme. Leur instinct les pousse à vivre et ils sont assoiffés d’optimisme et de bonheur, offrez-leur donc !
Anne-Catherine Proutière, fondatrice du blog « Pédagogies alternatives en liberté », pour Pass éducation