J’entends régulièrement les gens me dire que j’ai de la chance d’être à la maison pour profiter de mes enfants. Souvent ces mêmes personnes sont perplexes lorsque je leur réponds qu’il ne s’agit en aucun cas d’une chance ! En effet, je considère notre mode de vie comme un choix, une direction plutôt qu’un heureux hasard ! Pour comprendre réellement ce que cela représente je vous propose de retracer notre histoire… Avant d’en arriver à l’ IEF (Instruction En Famille), nous avons été une famille au fonctionnement traditionnelle. Mes filles ont intégré l’école à 3 ans toutes les deux, alors que j’étais persuadée à tord du caractère OBLIGATOIRE de l’école. Cela dit, à cette époque je n’en avais aucune idée même si je cherchais à alimenter mon besoin de les respecter dans leurs rythmes respectifs différents. Je m’étais à ce titre, intéressée à Maria Montessori en lisant ces œuvres, désespérée de trouver les écoles concernées trop loin et onéreuses. Puis je m’étais résignée à suivre le chemin classique par dépit, laissant le brouhaha ambiant du quotidien masquer ma petite voix intérieure.
Accepter de s’être trompé : tolérance et culpabilité …
Les années avaient passées, j’étais devenue maman solo. J’avais envie de m’épanouir sans jamais ressentir la satisfaction d’une bonne journée accomplie. Prise dans la routine, je ne me rendais même plus compte que j’étais totalement déconnectée de l’instant présent tant le rythme était infernal. Un épuisement général s’était installé en moi et nous n’avions plus le temps de rien ! Le réveil était désagréable et sonnait le glas d’une nouvelle journée déjà fatigante ..
Ma fille refusait de se lever, de s’habiller, et après avoir tout essayé pour rendre cela agréable je finissais par crier ou lui enfiler ces vêtements contre son gré ! Je mettais tout mon cœur pour préparer un petit-déjeuner coloré et attrayant mais elle n’avait pas faim et bien souvent mal au ventre à cause de l’angoisse de séparation, je courais entre l’une et l’autre, entre les cartables et les chaussettes dépareillées, j’en oubliais mon café sur le coin de l’évier en partant pour l’école … en retard … sans un coup de peigne ! Mais le cauchemar n’était pas fini : en : ma fille refusait encore de me quitter et la maîtresse m’arrachait mon enfant de force chaque matin pour rejoindre le groupe tandis que je filais les yeux cernés et rouges à mon travail d’aide à domicile chez les personnes âgées… évidemment en retard moi aussi ! Je faisais de mon mieux, je me sentais épuisée, oppressée. Un beau jour, mon corps décida d’arrêter de force cette machine lancée à pleine vitesse prête à foncer dans le mur. Le verdict tomba : accident du travail ! Des semaines sans bouger de mon lit, prise au piège, obligée de rester là avec moi-même face à mes doutes, mes questionnements et ma culpabilité. Dans le silence de ma chambre, je me remis à entendre ma petite voix intérieure. Étouffée depuis des années, elle ne s’était jamais éteinte. Elle me chuchotait que ce chemin était le mauvais, que je m’étais égarée. J’en fis le triste constat lorsque j’arrêtai de courir et que je pris conscience de la nature de ma relation avec mes filles. J’étais prise dans un rapport de force dont je m’étais moi-même faite prisonnière puisque cela allait contre mes propres valeurs intérieures. Mais que-faire ? Chaque jour était un round supplémentaire dans le combat du quotidien. Comment pouvais-je m’étonner d’être fatiguée ?
Réapprendre l’instant présent, ma bouée de sauvetage !
Durant mes arrêts de travail, je me remis en question et conclus que mon métier n’était plus adapté pour des raisons de santé d’abord mais aussi parce que j’en avais assez de cet emploi du temps rongeant ma vie privée. Perdue, je décidai de m’orienter vers le développement personnel pour m’ouvrir à de nouvelles possibilités. La sophrologie fut une source d’apaisement considérable. J’entrepris de lire un tas de livres, d’articles, et enfin accepter de faire des rencontres différentes. Je réappris à passer du temps de présence totale avec mes filles les mercredis et petit à petit une complicité perdue renaissait. Nous avions enfin le temps même si j’étais contrainte par mes restrictions médicales. A ce moment là, ma grande faisait face à de gros problème de lecture dans sa classe de : , les devoirs étaient un calvaire et je commençais à abandonner l’idée de la forcer à lire chaque soir « pour rattraper son retard » expliquant ma démarche à l’institutrice et mon désir de respecter mon enfant dans son rythme. Je me souviens de la négociation : « – La lecture… Il faut la pratiquer tous les jours pour que ça rentre madame ! et puis c’est un élément nécessaire pour son passage en vous le savez ? ». Elle ne comprenait clairement pas mon point de vu. Avec son planning ma fille devait lire à 18 h des textes inintéressants pour elle, franchement, après une longue journée je n’y voyais aucun intérêt pédagogique. Nous ne lisions donc plus que le week-end des textes choisis par ma grande encore très angoissée à l’idée de redoubler ou de ne pas réussir.
Des rencontres incroyablement bouleversantes !
Dans cette démarche de remise en question que je fus amenée au festival pour l’école de la vie à Montpellier. Ma vision de l’éducation pris alors un tournant majeur. Un panel incroyable d’outils, de méthodes et de clés pour le bien-être étaient à ma disposition sous forme d’ateliers, de stands et de conférences dont certaines allaient changer ma vie : André Stern et Isabelle Filliozat avec leurs visions merveilleuses de l’enfant ! Ce week-end là j’appris que j’avais depuis toujours cruellement manqué d’informations pour comprendre mes filles et pour prendre mes décisions ! Je compris que seule l’instruction était obligatoire mais que beaucoup de méthodes d’apprentissages existaient hors des sentiers battus et de l’école telle que je la connaissais. J’en déduisis qu’il appartient à chaque famille de trouver son rythme et sa place parmi un large choix de possibles si on lui accorde le droit de les connaître. Ma remise en question s’amplifiait, je commençais à me demander où me mènerait tout ce cheminement que j’avais entrepris sur le plan personnel et relationnel avec avec mes filles ! En tout cas, les sens interdits se dissipaient … J’avais enfin LE CHOIX !
Mon regard avait changé mais pas celui de mon entourage ! J’entrepris un nouveau combat difficile pour lutter seule face à tant d’incompréhensions. Je n’en finirai donc jamais de me battre ? pensais-je, tout en continuant de m’informer et de chercher où était notre chemin. Lorsque j’affichais mon désir d’accompagnement bienveillant au lieu d’être autoritaire, je faisais face aux reproches. Mais cette fois, tant pis, je commençais à me sentir en phase avec moi même et ça c’était le plus important. Un matin, alors que mes filles m’exprimaient une énième fois leurs refus d’aller à l’école je m’assis et dis : « Mes cœurs, je vous ai toujours dis que vous devez aller à l’école parce que tous les enfants sont obligés. Je me suis trompée ! C’était faux. J’ai appris récemment que ce n’est pas vrai, qu’en pensez-vous ? ». Leurs visages s’éclaircirent enfin ! Je demandai à papa qu’il viennent le soir à la maison pour une réunion de famille urgente. Lui qui n’avait pas été très réceptif à mon retour de Montpellier exposa ces inquiétudes et ces questionnements. Chacun donna son avis et après un long débat… notre grande aventure unschooling est née !
Quel rythme avons nous adopté concrètement pour changer de vie ?
Pour être vraiment précis, nous avons déjà dût apprendre à lâcher prise, et à se réapproprier notre bien le plus précieux : LE TEMPS ! Nous avons supprimé le réveil et avons donné à chacune la liberté d’organiser ses journées au gré de ses envies. Les réveils sont devenus spontanés et calmes. Les filles n’aiment toujours pas déjeuner tout de suite alors elles viennent m’avertir qu’elles sont debout par un petit câlin puis filent souvent jouer. Je croyais que ma petite refusait de s’habiller pour repousser l’heure de l’école, mais non ! Elle n’aime toujours pas ça sauf que je n’ai plus de raison de la contraindre. Lorsqu’elle a froid, envie de sortir ou que des invités arrivent, elle le fait spontanément. Elle qui avait un eczéma assez présent n’en a quasiment plus. Est-ce lié au stress qui diminue ? Au fait de porter moins de vêtements ? Je ne sais pas, mais j’en suis ravie.
Notre premier apprentissage : LA LIBERTE !
En brisant les chaines qui nous liaient au temps nous avons commencé à apprivoiser ce trésor nouveau qu’est la Liberté ! La grande question était après 6 années à être élèves et parents d’élèves investis dans la vie de l’école, comment appréhender un changement aussi radical ? La réponse qui m’est apparût était : LÂCHER PRISE.
La peur de ne pas être à la hauteur ?
On me demande souvent comment je peux me sentir capable d’assumer une fonction qui demande un certain niveau d’étude et de connaissance pour être validé par l’éducation nationale. Je réponds simplement que je ne suis pas un professeur pour mes filles. D’ailleurs, c’est étonnant mais elles me donnent autant de leçons qu’elles en reçoivent, notre relation change énormément et elle se base dorénavant sur la réciprocité. C’est comme si j’étais redescendue d’un étage et que j’en étais soulagé. Je n’ai plus besoin ni envie d’avoir le dernier mot, alors il n’y a presque plus de combat. Je dis presque parce que les mauvaises habitudes ont la peau dure et que l’on ne métamorphose pas son état d’esprit du jour au lendemain. Cette aventure je la visualise plutôt comme un chemin où nous choisissons les directions jour après jour ensemble. Le lâcher prise que nous avons dût apprendre pour être acteur de notre choix de vie intègre un détail très important : accepter d’être imparfait, d’avoir à se tromper et de devoir réajuster sa vision chaque fois que nécessaire.
« Oui enfin c’est bien joli, mais l’école est quand même le lieu privilégié pour apprendre et si tu ne contrains pas l’enfant il n’apprendra pas ! D’ailleurs pour preuve, si je laisse ma fille sans l’obliger pendant 2 mois en été elle ne fait rien. »
Je vous fais part de cela parce que cette remarque est récurrente. Ne rien faire inquiète les gens, j’en avais moi même fais les frais après mon accident, dans mon lit. Pourtant, vous vous souvenez c’est le point de départ de toute cette aventure ! Après 6 mois d’expérimentation je peux clairement réfuter cette crainte. La phase où l’enfant rejette les apprentissages existent, c’est une transition entre le monde qu’il a connu et le nouveau. D’ailleurs pendant cette période mes filles se sont ré-ouvertes à moi et au monde grâce à un outil merveilleux qui nous a permis de communiquer sans tension. J’ai nommé LE JEU ! Non seulement nous avons pu reprendre les bases de notre relation et consolider notre confiance en soi et en l’autre mais à l’évidence les filles retenaient des choses sans effort. J’ai donc décliné les jeux en des ateliers ludiques d’abord sur les mots et les émotions afin de se familiariser avec le fait d’exprimer ces besoins, ces envies et ces questionnements.
Pourquoi ? Comment ? QUAND ? oui mais … ? ET SI … ? Es-ce que … ?
Une partie essentielle de ma fonction consiste à ECOUTER ! C’est ce que nous n’avons précisément pas le temps de faire en collectivité et pas non plus lorsque nous avons un rythme tel que le notre il y a 1 an. Ce n’est pas un reproche c’est mon constat. Finalement, lorsque nous sommes pleinement attentifs à nos enfants, ils débordent d’envie de savoir. La clé de mon choix d’apprentissage réside ici. Répondre à une curiosité naturelle et sans limite. Je ne suis pas obligée d’avoir la réponse à toutes les questions de mes filles, il me suffit de savoir les rechercher au travers divers supports. J’utilise les livres à la médiathèque, internet, les musées, les expositions, les ateliers organisés par des associations, le réseau de parents d’enfants déscolarisés, l’échange, le partage et le débat. J’ai à cœur d’offrir à mes filles une multitude de points de vus afin qu’elles se construisent selon leurs libres-arbitre. Apprendre prend une dimension vraiment passionnante ! Notre but aujourd’hui n’est plus de réussir mais de s’épanouir ! De cette façon toute l’énergie que je fournis dans ce nouveau rôle m’apporte une satisfaction inestimable et ne m’épuise plus comme avant. Cela ne veut pas dire que tout est rose mais que ce nous faisons a désormais du SENS !
Laura Fée, fondatrice du blog lecoledesfees, pour Pass-éducation