Le monde comme source d’instruction – Nomadisme et Instruction En Famille – Expérience IEF

Aujourd’hui, ce n’est pas seulement une maman, mais c’est un couple que j’ai eu la grande joie de pouvoir interroger afin de nous livrer leur expérience de l’IEF (Instruction En Famille)  et ce… sur les routes ! Eva et Rémi sont les parents de Titouan 5 ans (2013), Manoé 3 ans (2015) et Salomé 1 an (2017). Cette famille au mode de vie particulier a décidé de quitter école, travail et maison pour vivre dans leur camping-car. Après un petit peu plus d’un mois sur les routes espagnoles, et un retour en France, ils prévoient de parcourir les amériques à partir du mois d’avril 2019. Ils racontent leur péripéties sur leur blog et leur page Facebook mais là où ils sont les plus présents, si vous voulez suivre leurs aventures, c’est sur leur Instagram et leur chaîne Youtube !

Pourquoi avoir choisi l’IEF ?

Un procès au système scolaire français … « Pour moi, le système éducatif manque cruellement d’un bon coup de neuf et d’une revisite intégrale. Mais allez le bousculer, le dinosaure de l’Education nationale ! » Sur le blog, ils expliquent leur vision de l’IEF. Ce qui est pointé du doigt, dans un premier temps, est le manque d’évolution de l’Education nationale. L’école est sensiblement la même depuis des centaines d’années, contrairement au monde qui lui avance à une vitesse folle.
« Le système n’est absolument pas conçu pour le monde d’aujourd’hui, prépare encore moins à celui de demain, et est à peine pertinent pour celui d’hier. » Ce que reproche le couple au système scolaire, c’est non seulement d’être figé dans le passé, mais également de braquer beaucoup d’élèves avec l’apprentissage en leur apprenant des choses qui ne leur serviront, finalement, jamais. Eva explique que la lecture d’oeuvre moyennageuse ne lui a été d’aucune utilité pour sa vie adulte. Elle a, cependant, durant des années, cru qu’elle n’aimait pas lire. Ce n’est pas le cas, puisqu’elle a par la suite trouvé des œuvres qui lui ont prouvé le contraire. Paradoxe amusant, celle qui était autrefois une enfant fâchée avec les romans s’est fixée comme objectif de terminer le sien en 2019.
« Je n’ai pas la sensation d’avoir été traitée comme un humain à l’école, mais bien comme un chiffre. » Eva parle de déshumanisation. A l’école, les enfants sont assis, à devoir écouter, le tout en étant stigmatisés s’ils ne rentrent pas parfaitement dans le moule. On envoie aux oubliettes la curiosité naturelle et la volonté d’apprendre innée pour devoir emmagasiner, parfois dans l’ennui, un maximum d’informations ennuyantes. Dans le système classique, l’enfant est spectateur de ses apprentissages, contrairement aux pédagogies alternatives, telles que Montessori, où il en est l’acteur. « Tous les enfants devraient pouvoir apprendre par eux-mêmes. »

L’instruction sans frontières…

Pour toutes ces raisons, et bien avant leur départ, le couple cherchait donc une autre façon d’apprendre à leurs enfants. L’IEF avait été envisagée, mais Eva ne s’en sentait pas encore capable. Pourtant, lorsqu’ils ont pris la décision de parcourir l’Amérique, le choix s’est imposé à eux. « Mais nous n’avons, pour autant, pas pris cette décision à la légère et nous sommes beaucoup renseignés sur les différentes façons de procéder des parents qui avaient choisi l’IEF. Mais en fait, il y a autant de façon d’apprendre qu’il y a d’être humain ! » S’ils ont pensé dans un premier temps à opter pour les : C (Cours Par Correspondance) du CNED, ils ne se sont pas vus satisfaits par cette option. Lors d’un premier road trip en Bretagne, la famille avait apportés des supports formels mais Titouan a rapidement préféré lire les panneaux, compter les coquillages… Alors aujourd’hui, ils mettent des supports formels à disposition des enfants mais les laissent plutôt explorer le monde librement sans leur imposer quoi que ce soit. Cela demande d’apprendre à se détacher des idées préconçues sur l’apprentissage, et surtout apprendre à faire confiance en ses enfants. Mais quoi de mieux que le monde comme source d’instruction ? Lors de leur voyage en Espagne, les enfants, désireux d’échanger, ont rapidement appris quelques mots basiques, notamment pour saluer, remercier ou se présenter.

Avez-vous constaté des changements chez Titouan, seul enfant à avoir connu l’école ?

« Ça se passait plutôt bien ! » Le jeune garçon a été scolarisé durant deux ans. Le couple m’explique qu’en seconde année de maternelle, il avait une institutrice très douce, à l’écoute des enfants, adepte de la méthode Montessori.  Ils se souviennent entendre les adultes crier dans les autres classes, mais jamais cette maîtresse, qui était très calme. Cependant, Titouan avait tendance a compenser, c’est-à-dire qu’il était discret à l’école mais laissait sortir toutes ses émotions une fois de retour chez lui. Eva m’explique qu’elle est consciente qu’ils ont eu beaucoup de chance de tomber sur cette personne. L’enseignante était différente en première année, et Titouan était par conséquent plus effacé.
« Il avait appris à travailler en autonomie. » Aujourd’hui, le petit garçon est plutôt indépendant dans ses apprentissages grâce aux méthodes qu’il a connu à l’école. Il fait ses opérations grâce au boulier, il a pu apprendre à lire seul. C’est pourquoi, le couple n’a pas constaté beaucoup de différence après sa descolarisation concernant la pédagogie. Néanmoins, ils ont pu voir d’énormes changements de comportement . Titouan ressent moins le besoin de se décharger. Egalement, ils constatent que leur enfant est plus sociable ! Lui qui était, à l’école, souvent seul est aujourd’hui en recherche de contact, comme s’il n’était plus forcé de le faire.

Aujourd’hui, comment fonctionnez-vous ?

« Nous n’avons pas de journée type ! » Cette famille vit au jour le jour. Certains jours, les visites seront nombreuses, donc ils ne font pas « école ». D’autres jours, ils resteront au camping-car et sortiront, à la demande, les cahiers. Manoé est canalisé par ce fonctionnement, il arrive et apprécie rester concentré longtemps sur une activité formelle. Tandis que Titouan a plus de mal a besoin d’autres méthodes, de jeux mais aussi d’objectifs. Eva prend l’exemple des cartes postales. Il aura plus de volonté à utiliser son cahier d’écriture lorsqu’il est en demande d’écrire aux personnes qu’il aime mais qui sont loins car il y trouve son intérêt. « On peut apprendre partout, tous les jours. » Cette famille apprend avec ce qui les entoure, et précise qu’il ne soit pas nécessaire de vivre en camping-car pour fonctionner de cette façon. La géographie et l’Histoire passent par leur voyage, les mathématiques par le dénombrement d’objets, les panneaux de signalisations lors des visites, etc. Tant de choses qui permettent à l’enfant d’apprendre hors du cadre scolaire. « Il apprend beaucoup mais ne se rend pas compte qu’il apprend ! »

Quels sont les points positifs et les points négatifs de l’IEF ?

  • « Pouvoir s’adapter au rythme de l’enfant » La liste des points positifs que me fournisent Eva et Rémi est longue. Pour commencer, l’IEF leur permet de pouvoir, au mieux, correspondre aux besoins et fonctionnement de leurs enfants, dans leur individualité et leurs spécificités. Cette famille aime beaucoup pouvoir apprendre à leurs enfants en leur faisant vivre, les rendant acteurs et non passifs.  Ils apprécient pouvoir adapter leur vie et leurs horaires comme ils le souhaitent, sans mettre de réveil le matin. Eva répond déjà aux critiques qui pourraient être faites concernant l’avenir de ses enfants : s’ils font quelque chose qui les passionne, qui leur plaît, ils trouveront les ressources pour s’adapter au rythme imposé. L’IEF pourrait aussi permettre d’envisager un mode de vie différent que celui que nous connaissons, assez bien résumé par metro-boulot-dodo. De plus, elle demande : « Pourquoi former nos enfants à un monde qui sera sans doute complètement différents lorsqu’ils seront adultes ? » Rémi ajoute que l’IEF favorise l’apprentissage des langues. C’est, bien entendu, étroitement lié à leur nomadisme mais il n’est pas impossible de le faire soi-même, depuis chez soi.
  • « La sociabilisation non forcée. » Lorsqu’on est à l’école, on est obligé de côtoyer d’autres enfants, avec lesquels on ne s’entend pas forcément, tandis qu’en IEF, les amis sont ceux qui sont réellement choisis. Être sortis du système scolaire, leur permet également d’échapper à de nombreux stéréotypes, notamment de genre, de violence, et donc d’êtres eux-mêmes.

« On ne peut pas déléguer. » Être constamment avec ses enfants représente beaucoup de points positifs, mais cela signifie aussi ne pas pouvoir forcément les laisser quelques heures ou une journée pour se ressourcer et se retrouver. De plus, la pédagogie n’est pas innée chez tout le monde. Cela peut demander beaucoup de travail sur soi, pour comprendre et accompagner correctement son enfant, se détacher de nos croyances et de nos peurs. Eva explique qu’au début, il lui arrivait de s’énerver car elle ne comprenait pas pourquoi il ne retenait pas certaines choses pendant que d’autres plus compliquées lui semblaient évidentes. Si aujourd’hui elle a réussi à lâcher prise, elle ne perd pas de vue que cette tâche peut s’avérer compliquée pour d’autres parents.

Quels conseils donneriez-vous à des parents qui se lancent dans l’aventure ?

« Lâcher prise ! » C’est, instinctivement, la première réponse qu’Eva m’a donnée. Elle me dit donc que son premier conseil est de se détacher du programme, des attentes et Rémi complète en expliquant qu’il faut faire confiance à l’enfant. Il a envie d’apprendre, cette envie est naturelle.
« L’humain est un être curieux. » Les attentes risqueraient de dégoûter l’enfant et faire taire cette curiosité innée. Cela signifie, se déconditionner de ce que nous pensions des apprentissages, concernant le niveau, les méthodes ou encore les notes.

Comment faites-vous pour travailler ? 

« On ne travaille pas comme on pourrait l’entendre. » Ils précisent qu’ils ont des revenus passifs, qui leur permet de générer une paie sans qu’ils ne fassent beaucoup. Leur vie en camping-car leur permet de moins dépenser que lorsqu’ils vivaient en appartement. Lorsque les enfants jouent en autonomie ou le soir, dès qu’ils ont un peu de temps, ils profitent pour travailler sur internet, s’occuper de leur blog, leur chaîne YouTube. Ne pas avoir d’horaires leur offre une plus grande liberté. Bien que, pour le moment, cette passion ne leur rapporte pas vraiment d’argent. Eva conclue qu’en vivant simplement, un salaire peut suffire.
« Tout n’est qu’une question de choix. »
Je remercie infiniment Eva et Rémi d’Apprends-moi le monde, qui ont bien voulu m’accorder du temps et me livrer ce petit bout de leur histoire.
Chloé, de La Famille Gwaï, pour Pass éducation