Le Wildschooling

Plus qu’une pédagogie, le Wildschooling est une philosophie de vie, qui permet à l’enfant de grandir en suivant ses besoins naturels, et en lui mettant à disposition au quotidien, de quoi encourager sa créativité, sa curiosité, et de quoi laisser la joie naturelle de l’enfance s’épanouir.

Le mouvement officiel a été initié par Nicolette Sowder et son mari. Ne trouvant aucune satisfaction dans les pédagogies déjà connues, ils ont décidé de créer leur propre « mouvement », qui compte aujourd’hui environ 30 000 membres déclarés à travers le monde. Il y en a sans doute bien plus, entre ceux qui le pratiquent sans savoir qu’un nom a été donné à ce mode de vie (comme nous, qui ignorions ce mouvement il y a quelques semaines encore), et tous ceux qui, en adéquation totale avec la philosophie du wild, n’utilisent pas internet et les réseaux sociaux.

L’essence de cette philosophie repose sur le lien fondamental de l’humain avec la Nature, un lien inné et inexorable, qui plonge au plus profond de nous, et permet de faire remonter des instincts « sauvages » et primitifs – dans le bon sens des termes, par exemple de savoir pêcher, cueillir, en respectant la Nature, ou bien savoir se construire un abri, etc. Bien sûr, de par cette insistance sur le lien avec la Nature, le Wildschooling emprunte beaucoup à des mouvements ou pédagogies plus connus – le Forest School, les pédagogies Steiner-Waldorf, Reggio, Mason, pour ne citer que les plus populaires. Le Wildschooling repose également sur le respect et l’utilisation de coutumes et traditions, parfois séculaires, de tribus ou peuplades anciennes ; et, surtout, sur la communication avec la Nature elle-même, et ses divers éléments. C’est un mode de vie simple, qui peut être adopté par tous, et à tous moments.

Le Wildschooling, comme tout mouvement ou idée, repose sur plusieurs fondements :

1.- La connexion de l’humain à la Nature. C’est particulièrement important, à une époque où de plus en plus de voix s’élèvent justement sur la perte de ce lien, et sur l’absolue nécessité de le re-créer, et d’élever les futures générations dans la conscience de cette nécessaire relation. La relation à la Nature est un droit inaliénable et fondamental de chaque enfant, et le Wildschooling s’attache à faire respecter ce droit.

Avoir une relation avec la Nature répond aux besoins fondamentaux des enfants, s’y trouver le plus souvent possible, y passer du temps au quotidien, leur permet de s’épanouir et de se développer bien mieux qu’entre quatre murs, ainsi que d’exprimer pleinement leurs émotions, plutôt que de les inhiber.

2.- Le Wildschooling valorise et respecte l’enfant, en tant qu’individu complet, qui est en plein devenir et qui pour s’épanouir a besoin de s’exprimer, bouger, se dépenser, découvrir, selon ses propres règles et son propre rythme – qui n’ont rien à voir avec ceux des adultes.  Par exemple, cela implique une certaine prise de risque, qui fait bien souvent peur aux adultes encadrant. Cela peut aller du simple bain de boue, à une escalade chaotique. Si cela semble pour nous sale ou effrayant, il faut garder à l’esprit que pour l’enfant, c’est juste magique et passionnant. Il est donc primordial d’entendre et de respecter ses besoins, dans la limite du raisonnable bien évidemment – laisser un enfant prendre des risques à sa mesure, ne signifie pas le laisser faire des choses qui le mettent réellement en danger. Pour cela, il faudra peut-être se livrer à des lectures ou des recherches approfondies, afin que l’adulte lui-même en apprenne plus sur cette Nature dans laquelle il s’engage avec des enfants. Se rouler dans la boue n’est pas dangereux, manger de la neige n’est pas dangereux, soulever des écorces pour inspecter les insectes qui y vivent, escalader un arbre, çà n’est pas dangereux. Au contraire, c’est vital. Gardons seulement un œil attentif, mais discret, sur ce qui se passe.

3.- Cette relation à la Nature est complètement vivante, elle n’est pas programmée comme un cours. Elle vit et se développe au hasard des éléments naturels justement, et des intérêts de l’enfant, qui vont le pousser à aller plutôt vers tel ou tel endroit.

4.- L’adulte qui opte pour un mode de vie Wildschooling doit permettre à l’enfant d’accéder facilement et rapidement à un lieu naturel proche de sa maison, où il trouvera le temps et l’espace nécessaires à ses recherches et observations, et donc à son épanouissement. Facile et rapide, afin que l’enfant ne se lasse pas, ne se fatigue pas, simplement dans la préparation à la connexion. Facile et rapide, aussi afin que l’enfant s’inscrive dans une démarche ancestrale, où l’homme vit en lien étroit (pour ne pas dire dépend totalement) de la Nature qui l’entoure. Il s’agit là, tout simplement, de privilégier, le lien, et de le faciliter.

5.- Une famille en Wildschooling s’adapte au calendrier de la Nature, pas à celui d’un monde commercial modernisé.  Pour des raisons évidentes de maintien du lien, mais aussi pour apprendre à vivre simplement, dans le respect de son environnement. Pour se souvenir que l’homme n’est pas supérieur à la Nature, mais en fait partie intégrante, au même titre que les animaux et les végétaux. Pour se faire, de multiples choix s’offrent à vous. Vous pouvez suivre un rythme circadien, le calendrier lunaire, célébrer les équinoxes et solstices, et/ou encore les fêtes traditionnelles des anciennes cultures qui vivaient en étroite connexion avec la Nature (les Celtes, les Incas, …).

6.- Chaque expérience en Wildschooling est unique, parce que mue par les intérêts et passions de chacun. Cela forge des individus uniques, qui ne sont pas enfermés dans un système, qui veut des enfants conformes. De là, naît toute une vie d’apprentissages, motivés par le cœur et l’esprit de l’individu.

7.- Ce mode de vie, contrairement à ce qu’avancent beaucoup de détracteurs, est très sociabilisant. Idéalement, l’enfant en Wildschooling fait ses expériences dans la Nature, entouré de parents, et d’autres enfants, de tous âges. D’autre part, cela favorise l’organisation d’événements et/ou de projets communs (aller écouter ensemble le chant des grenouilles à l’approche du printemps, organiser une balade pour déposer çà et là des gâteaux de graines en hiver, par exemple). Bien sûr célébrer les solstices par exemple, appelle aussi fortement à des regroupements communautaires. Les idées ne manquent pas.

8.- Célébrer des fêtes ancestrales et naturelles, est d’abord très instructif, historiquement parlant. Cela stimule aussi la créativité des enfants et, surtout, améliore leur estime de soi, grâce à cette conscience d’appartenance à une communauté ancestrale, attachée à une terre. L’enfant trouve ainsi aisément sa place dans le monde.

9.- Le Wildschooling, en insistant sur le lien entre l’humain et la Nature, stimule aussi le lien entre les humains eux-mêmes. D’abord, il y a l’entraide, au hasard d’une construction de cabane, d’une plantation, de l’identification d’une trouvaille. Ensuite, ne pas être envahi par les sur-stimulations du monde moderne (télévision, ordinateurs, etc) encourage la communication – on se raconte des histoires autour d’un feu, on se parle lors d’une sortie forêt, etc.

10.- Le Wildschooling, en puisant nombre de ses éléments dans le passé, se veut formateur d’individus autonomes (au sens capable de se débrouiller dans la Nature, sans tous ces éléments modernes qui la polluent) et travaille aussi fortement à l’avenir – les enfants sont appelés à respecter leur environnement, à ne pas (plus) le détruire, et à faire tout ce qu’il faut pour que cet environnement soit préservé (sauvé).

Anne-Catherine Proutière, fondatrice du blog « Pédagogies alternatives en liberté », pour Pass éducation