Les enfants ont naturellement une grande soif d’apprendre et de découvrir le monde qui les entoure. C’est quelque chose d’inné en eux, ils viennent au monde avec cette faculté. Il nous appartient, à nous, parents accompagnant respectueusement nos enfants et ayant fait le choix de l’instruction en famille, de ne pas détruire cette soif d’apprendre, mais au contraire de l’entretenir, en mettant à leur disposition les moyens de l’assouvir, et de laisser les enfants s’orienter dans les voies qui les intéressent. A cet égard, connaître les modalités du fonctionnement et du développement du cerveau de l’enfant est une aide précieuse dans notre démarche de parent instructeur. Ce qui se passe dans la petite enfance est fondamentale pour la construction de l’être humain. C’est ce que révèlent les neurosciences.
On distingue :
∙ Les neurosciences cognitives, qui concernent tout ce qui est intellectuel : mémoire, apprentissage, pensée – très étudiées en France ;
∙ Les neurosciences affectives (et sociales) – très récentes et très peu étudiées en France (environ 15 ans). Elles aident à comprendre comment se développe l’enfant, en fonction de ses émotions (réaction biologique instantanée de notre corps à un évènement), ses sentiments (survient après l’émotion, c’est le ressenti qui suit sur la durée), ses capacités relationnelles.
En tant que parent instructeur, les deux types de neurosciences nous concernent : elles forment le tout qui aide le cerveau de l’enfant à se développer dans de bonnes conditions.
Le cerveau de l’enfant est très fragile, immature et malléable. Tout ce que vit l’enfant, dès la vie intra-utérine, va agir sur son cerveau (intellectuel comme affectif). Notons que les modifications sont encore possibles à l’âge adulte, et jusqu’ à la fin de nos jours – la plasticité cérébrale est une caractéristique humaine tant que l’on est en vie. Simplement chez l’enfant, qui a un cerveau en pleine construction, la plasticité a une part beaucoup plus importante, et donc l’influence extérieure joue un rôle décisif dans le développement de l’enfant.
En effet, nos relations et nos expériences déterminent quels circuits et quelles connexions cérébrales vont persister. Elles agissent aussi sur l’expression de certains gènes. Tout cela aura des répercussions directes sur le comportement social de l’enfant, notamment sa capacité à gérer le stress, à vivre ses émotions et à exprimer son affectivité.
Plus l’enfant baigne dans une ambiance chaleureuse, propice à la découverte, plus il va apprendre, et comprendre ce qui l’entoure. Au contraire, s’il est entouré de stress (trop de bruit, trop d’agitation, poids de la compétition, angoisse de mal faire, etc), les apprentissages seront freinés, voire bloqués. Il est donc essentiel que la ou les personne(s) qui enseigne(nt) à l’enfant mettent tout en œuvre pour que l’environnement soit favorable aux apprentissages (calme, ambiance chaleureuse, non oppressante), et ne lui mettent pas la pression, ni n’utilisent de paroles blessantes ou humiliantes. La tristesse va freiner la créativité, la joie au contraire va la booster.
Quand l’adulte amène du stress par son comportement, par exemple en instaurant un système de notation, en introduisant la compétitivité, il bloque le cerveau de l’enfant dans cette curiosité, cette avidité à apprendre, à découvrir. Les notes, outre qu’elles provoquent un stress considérable chez l’enfant, le détournent de son but premier d’apprendre. Elles misent tout sur le résultat, alors que l’apprentissage, c’est découvrir le monde dans son infinie diversité et richesse.
Et en effet, les méthodes d’enseignement qui bannissent tous les éléments favorisant la peur et le stress dans les systèmes scolaires classiques ont des résultats surprenants.
Ainsi que l’écrit Catherine Gueguen : « apprendre c’est expérimenter, avoir des doutes, poser des questions, se tromper » – si l’adulte imprègne l’enfant apprenant de ces notions, au lieu de l’inscrire dans un système stressant d’ultra-compétitivité, il abordera les apprentissages sans peur et avec beaucoup plus de plaisir, ce qui le prédisposera à une meilleure compréhension et une meilleure mémorisation. L’élève est acteur de ses apprentissages, au lieu d’être soumis passivement à des méthodes qui le dépassent.
Le cerveau émotionnel, aussi appelé le système limbique, est composé notamment de l’amygdale et de l’hippocampe, qui sont étroitement reliées entre elles. On y trouve aussi le cortex préfrontal. Entre autres rôles majeurs, comme celui de réguler nos émotions et de freiner les réactions du cerveau archaïque, le système limbique est impliqué dans l’apprentissage et la mémoire. Il agit notamment sur les fonctions cognitives dites « supérieures » comme le langage, la conscience, les capacités d’apprentissage, les perceptions sensorielles, la présence dans l’espace.
Le lobe préfrontal a connu une forte expansion chez l’être humain. Il est à l’origine du raisonnement, de la créativité, de la résolution des problèmes, de la planification, la conscience de soi, …
Physiologiquement, les enfants ont une poussée de croissance neuronale entre 5 et 7 ans, qui se traduit concrètement par une meilleure gestion des accès émotionnels négatifs : l’enfant les comprend mieux, les sent venir, et parvient à mieux les maîtriser. Observer son entourage gérer ses propres émotions l’aide considérablement : il réagit par imitation. Cette meilleure gestion des émotions a bien sûr un rôle significatif dans les apprentissages : le stress est mieux régulé et donc son impact est moins nocif ; les hormones positives quant à elles sont boostées par la régulation du stress.
Le rôle de l’hippocampe
L’hippocampe est un des centres de la mémoire, il fonctionne comme un organisme de tri des informations qui lui parviennent. Il est chargé de transformer les informations nouvelles en mémoire à long terme. Son rôle est essentiel dans la mémoire et dans les apprentissages. D’ailleurs, sa taille varie tout au long de notre vie en fonction des apports qu’il reçoit : l’hippocampe est le siège d’une neurogenèse continue, c’est-à-dire que les neurones s’y fabriquent continuellement, même à l’âge adulte. La mémoire est essentielle aux apprentissages puisque c’est elle qui permet qu’ils soient conservés, elle qui permet aussi qu’ils soient ressortis en cas de besoin. La mémoire est la « trace des apprentissages », selon Catherine Gueguen. De ce fait, l’hippocampe joue un rôle central dans les apprentissages.
L’hippocampe est particulièrement sensible au stress et aux décharges de cortisol (hormone du stress sécrétée par les glandes surrénales). Reçu en trop grande quantité, le cortisol va freiner voire bloquer l’activité de l’hippocampe, en agressant les neurones, parfois en les détruisant, en tout cas en empêchant la fabrication de nouveaux neurones. Ces effets néfastes sont renforcés par le fait que le cortisol active l’amygdale, qui elle aussi vient entraver le bon fonctionnement de l’hippocampe. L’esprit se retrouve alors paralysé par la peur : tout apprentissage est ainsi rendu impossible. C’est pourquoi il est totalement inutile et néfaste d’essayer d’inculquer des enseignements par la pression et par la peur.
Le rôle de l’ocytocyne
L’ocytocyne (hormone de l’amour et de la vie sociale) a aussi un impact sur les apprentissages : par le bien-être procuré par cette molécule, on mémorise mieux, surtout ce qui nous est agréable, comme les visages par exemple. Elle aide aussi à apprendre à lire, en facilitant le décryptage. Les études ont montré qu’elle favorise également la coopération. Elle accroît la confiance en soi, et donc la sérénité. Enfin, notons qu’elle participe au travail de l’hippocampe, en ancrant profondément les souvenirs dans la mémoire. L’ocytocine déclenche la sécrétion de 3 autres molécules : dopamine, endorphines, sérotonine. Celles-ci participent aux apprentissages en favorisant le calme, la confiance, l’écoute empathique, la curiosité et l’envie d’apprendre. C’est donc à la personne qui enseigne aux enfants à veiller à avoir un comportement favorisant la sécrétion d’ocytocine. Cela passe notamment par l’écoute empathique, par l’invitation à la collaboration, à la coopération : tout cela permet la sécrétion d’ocytocine et du cocktail hormonal favorisant les apprentissages qui va avec.
En résumé, il est important que le parent instructeur garde en mémoire que les humiliations, les maltraitances, les punitions, tout ce qui provoque du stress chez l’enfant, bloquent les apprentissages. En outre, les conséquences sur le développement du cerveau sont dramatiques. De nombreuses structures en pleine construction sont affectées. Cela peut aussi induire des troubles du comportement à plus ou moins long terme. La maltraitance émotionnelle en fait partie : rabaisser l’enfant, le ridiculiser, le critiquer, lui faire peur, le dévaloriser, etc. Même des petites phrases qui peuvent nous paraître anodines du genre « tu écris mal », sont extrêmement blessantes et dégradantes pour un enfant. Quand on dit non à l’enfant, on doit le dire tranquillement, sans lui faire peur, et en lui expliquant avec douceur et avec des mots qu’il peut comprendre, pourquoi on lui dit non. Afin de faciliter la chose, on peut lui proposer une alternative pour focaliser son attention. Et si vraiment ça bloque, on apprend à ne pas hésiter à lâcher prise ! Les apprentissages, ce n’est pas urgent. Ce qui est contrôlé lors des inspections (la grande source de stress des parents), ce n’est pas la masse des acquis, mais plutôt la progression de l’enfant. Alors, on n’hésite pas à souffler, à prendre une pause, à aller courir dehors et respirer de l’air frais. Le cerveau ainsi libéré de son stress momentané se laissera envahir par les hormones du plaisir, et sera à nouveau disponible pour des apprentissages sur table plus tard – si tel est votre programme. D’ailleurs, il est assez fréquent de trouver ce type de conseils sur les blogs, ou dans les écoles alternatives : on commence la journée par une session en extérieur, dont les bénéfices sur le cerveau ne sont plus à prouver. Ainsi détendus et apaisés, ayant satisfait les besoins de motricité, les enfants sont ensuite bien plus disponibles pour les apprentissages.
Voir l’article Neurones-miroirs et apprentissages.
Anne-Catherine Proutière, fondatrice du blog « Pédagogies alternatives en liberté », pour Pass éducation