Dossier les clefs de l’apprentissage – Partie 1 : les liens, l’environnement et les expériences.
Les apprentissages des enfants se produisent à chaque instant, en toutes circonstances et par différents procédés. Il y a effectivement différentes façons d’apprendre et sans aller dans cet article jusque dans la revue des formes d’apprentissages et leurs spécificités, nous abordons ici le dénominateur commun à toutes formes d’apprentissages : l’ensemble des facteurs qui les favorisent, qui permettent aux apprentissages d’avoir lieu, d’une façon épanouissante et durable.
1. Liens avec les autres
Le lien avec d’autres individus est vital pour le développement humain. Les dernières recherches sur le bonheur ont mis en évidence cette dimension comme centrale : des liens de bonnes qualités sont la clef du bonheur1. Ils nourrissent de nombreux aspects de notre personne, on apprend aux contacts des autres, ils nous permettent de croître. Les premiers liens vitaux et garants d’une socialisation sont ceux créés avec les figures d’attachement2. Vous trouverez sur cet espace dédié à l’IEF (Instruction En Famille) une section entière adressant le sujet de la socialisation qui est au cœur des questionnements liés à l’IEF. Ensuite, lorsque les enfants grandissent, les interactions avec les autres commencent à avoir leur importance. Plus ces “autres » représentent une pluralité, plus les interactions sont riches et variées. Pluralité des âges, des sexes, des catégories sociales etc, il s’agit de garantir un environnement diversifié où les enfants pourront puiser, selon leurs besoins, des ressources indispensables pour développer de nombreuses compétences et qualités comme l’altruisme ainsi que l’acquisition des codes relationnels, sociaux etc.
1 Dr. Robert Waldinger “Harvard Study of Adult Development”
2 Dr Gordon Neufeld et Dr Gabor Maté “Hold on to your kids”
2. L’environnement adapté optimal
Ces liens s’inscrivent plus globalement dans un environnement adapté aux enfants et optimal. Nous savons, avec les dernières recherches en neurosciences, que les enfants, du fait de la plasticité cérébrale3, s’imprègnent fortement de leur environnement. Il convient donc de l’optimiser pour rendre les apprentissages possibles.
3 La plasticité cérébrale est un concept utilisé en neurobiologie (depuis les travaux du Dr Raisman) en neurosciences affectives et en : ychologie.
2.1 La bienveillance
Dans cet environnement, on peut noter, en plus du lien avec les individus en général, la posture des adultes accompagnant les enfants qui va définir l’atmosphère dans laquelle ils vont évoluer. La bienveillance s’entend ici selon la définition donnée par le Dr Catherine Gueguen4 comme étant une combinaison entre de l’empathie (cognitive, c’est à dire comprendre l’autre) et la sympathie (vouloir le bien de l’autre). Cette posture permet aux enfants de se sentir considérés, entendus, encouragés (sans complimenter ni féliciter) et en confiance. La sécurité et l’apaisement qu’ils ressentent dans cette atmosphère favorisent leurs apprentissages car ils se sentent suffisamment sûrs et en confiance pour oser sortir de leur zone de confort et prendre des risques. Il ne s’agit évidemment pas de se mettre en danger mais de prendre des risques dans le sens suivre leurs élans de curiosité et d’exploration dans l’inconnue. Cela nécessite de la part des adultes une disponibilité et des échanges individualisés avec les enfants. Cela implique aussi que les adultes préservent cette sécurité en évitant tout stress aux enfants. Le stress serait délétère pour leur système émotionnel et donc leurs apprentissages, un article spécifique traite des effets du stress sur les apprentissages. Pour cela les adultes doivent accompagner les enfants dans l’expression de leurs émotions, comprendre les enfants et être un minimum au fait de leur développement et besoins afin d’y répondre au mieux.
4 Dr Gueguen dans “Pour une enfance heureuse”
2.2 L’espace
L’organisation de l’espace est un élément important. Les enfants se sentent surstimulés dans des espaces chargés. La démarche minimaliste peut être utile quand les espaces sont réduits et que “pousser les murs” est compliqué. Les enfants ont également besoin d’espace pour se mouvoir : les espaces confinés, empêchant le mouvement créeront des tensions dans leur corps, un stress qu’ils devront gérer, une suradaptabilité qui sera énergivore au détriment d’autres activités comme l’apprentissage. De plus, le mouvement est également un facteur d’apprentissage en soi (ce point sera traité dans la suite dédié aux clefs favorisant les apprentissages). Les espaces doivent tenir compte des capacités et spécificités des enfants : les éléments doivent être à leur disposition pour favoriser leur autonomie et doivent également être visibles pour leur donner envie de les utiliser et répondre ainsi à l’usage de l’ensemble de leurs sens dans les apprentissages.
2.3 La nature
La nature est le lieu de nombreuses observations et expériences. Elle est propice aux apprentissages de la façon la plus simple qui soit, tout en étant accessible au plus grand nombre. Elle favorise les apprentissages sensoriels et permet à l’enfant de découvrir la matière et le vivant. Elle permet aussi de développer la motricité en appréhendant l’espace et ses contraintes. Elle favorise la mise en place d’une relation au temps en observant les changements et en les ressentant. Dans son livre “Besoin de nature” Louis Espinassous rappelle les enjeux d’une mise en contact régulier avec celle ci :
- Il s’agit d un besoin vital
- Le manque de contact avec la nature provoque le syndrome de manque de nature mis en évidence par les travaux de Richard Louv5, qui serait source de différents troubles (dépression, défaut de concentration, hyperactivité etc)
Les enfants qui s’imprègnent de leur environnement et y deviennent sensibles, peuvent également développer des compétences liées au fait de prendre soin de la nature/environnement et liées au développement durable.
5 Richard Louv “Last Child in the Woods: Saving Our Children From Nature-Deficit Disorder”
3. Les expériences
Les enfants ont quelques prédispositions naturelles leur permettant d’apprendre : cela fait parti de notre logiciel humain garants de notre évolution. Les enfants explorent spontanément pour appréhender la réalité et comprendre le monde qui les entoure. Ils sont donc dans une démarche active pour constituer leur compréhension de leur univers. Ils utilisent à cette fin leurs sens pour percevoir la réalité et l’intégrer. Ainsi les expériences leur permettent, de par le cercle vertueux qu’elles induisent de développer, entre autre, leur sensorialité. Les expériences actives rendent possible également une démarche essai-erreur qui est source d’apprentissage et qui permettent à l’enfant d’affiner ses connaissances en s’exerçant. Selon l’approche pédagogique choisie, du matériel peut compléter l’environnement naturel de l’enfant afin de réaliser ces expériences, ou de les faire dans un cadre plus ou moins dirigé. Toujours selon la pédagogie choisie, et la posture du parent instructeur ou éducateur, l’accent sera mis sur les expériences réelles spontanées ou des expériences encadrées. Les apprentissages seront différents selon le degré d’activité/implication de l’enfant, selon sa prise d’initiative dans l’expérience.
Ainsi les choix de l’adulte quand à la mise en place d’un environnement favorable aux apprentissages sont déterminants, nous verrons dans la suite du dossier les autres clefs à disposition des adultes pour mettre en place les meilleures conditions pour apprendre.
Maja Mijailovic, fondatrice du site leslunettesdemaja.fr, pour Pass Education