L’instruction en famille est une des plus grandes richesses culturelles de notre pays – Témoignage pour le maintien de l’IEF en 2021

L’IEF (Instruction En Famille) pour nous, comme pour beaucoup de familles, c’est un véritable mode de vie, que nous avons adopté dès que nous avons été informés, en 2016, de l’existence de ce droit.

Ma mère, qui a derrière elle une longue carrière de prof de français et d’histoire-géo en collège privé, était très réticente au départ. Elle a vite changé d’avis quand elle a vu à quel point ses petits-enfants s’épanouissaient, heureux, tout à la fois pleins de vie et de connaissances, ouverts sur le monde, curieux de plein de choses et avides de toujours plus d’expériences, de découvertes, d’acquisitions, de rencontres.

Notre vie en IEF est à la fois très simple, et très riche. C’est une double IEF : Instruction En Famille, et Instruction En Forêt. Amoureux et très respectueux de la Nature, nous passons beaucoup de temps en forêt, où nous pouvons avoir différents types de sorties, qui sont tous très instructifs à bien des niveaux. Ainsi, nous pouvons déambuler au gré des invitations naturelles : 

  • Suivre le cheminement d’un ruisseau, c’est l’occasion de découvrir du vocabulaire nouveau, de parler de sciences, de géographie, d’histoire même parfois. 
  • S’arrêter pour écouter le chant d’un oiseau, c’est l’occasion d’en apprendre plus sur ce spécimen en particulier et sur les oiseaux en général, sur la biodiversité, les différentes espèces, etc.
  • Aller régulièrement observer un même endroit et ces multiples détails, c’est apprendre le rythme des saisons, la vie de la Terre,…

On pourrait citer une foule d’exemples… Nous pouvons aussi sortir avec un objectif précis d’étude, qui permet d’adapter les exigences du socle commun à notre choix d’instruction. Mes enfants ont appris à compter en regroupant des brindilles, puis en les assemblant en paquets de 10. Ils ont appris les mesures, en découpant ces brindilles pour qu’elles soient toutes à la même taille, ou bien encore, en étudiant les stalactites en hiver, avec carnets de notes, crayons et mètre mesureur. Ils ont appris la biologie en faisant des expériences en plein air et en grandeur nature, sans dépenser un sou – avec les fourmis, les escargots, les vers de terre ; en observant les empreintes d’animaux sauvages ; l’évolution des différents états de l’eau ; l’impact des changements de température ; la vie des fleurs et la vie secrète des feuilles,… Ils ont appris la biodiversité en participant à des cueillettes sauvages, en recherchant des champignons, des lichens et des myxomycètes. Ils ont appris l’alphabet en construisant une cabane ; la grammaire en faisant des câlins aux arbres. Ils ont appris à lire en faisant des phrases décrivant ce qu’ils vivent ; à enrichir leur vocabulaire en échangeant avec d’autres sur leurs passions. Ils ont appris, aussi, et c’est loin d’être négligeable, à écouter leur corps et ses ressentis – ils savent manger, boire, aller aux toilettes, mettre ou enlever un pull, quand ILS en ont besoin, pas quand une cloche sonne, ou qu’un adulte inconnu le leur ordonne.

Notre mode d’instruction en forêt, l’instruction en forêt de manière générale, c’est à la fois habituer l’enfant à observer rigoureusement ce qui l’entoure, en utilisant toutes ses dispositions sensorielles ; à souligner les différences et les points communs de ce qu’il voit/entend/découvre ; à structurer sa pensée, d’inviter à réfléchir, à créer, à philosopher, à (ré)inventer ; à trouver et organiser des sujets de recherche puis leurs résultats ; à être sensible à ce qui l’entoure, etc…

Mais c’est aussi,…

Car notre IEF ne se fait pas qu’en forêt ! Nous fréquentons assidument bibliothèques, médiathèques, musées et autres expositions. Le plus souvent, c’est à l’initiative des enfants. Il a suffi de leur montrer une fois pour qu’ils y prennent goût. Oui, dès l’âge de 5/6 ans, mes enfants adoraient les musées, et ils continuent d’en réclamer régulièrement, presque 5 ans plus tard. Il n’y pas là de recette magique, c’est simplissime en fait. Il a suffi de les y emmener une première fois, en respectant leurs envies et leurs attentes. Ils ont mené la déambulation eux-mêmes, n’ont pas été pressés ; ils ont pu prendre leurs propres notes ou faire leurs propres schémas ; prendre les photos qui répondaient à leurs intérêts personnels, etc. Quand on éveille ainsi l’intérêt de l’enfant et que, surtout, on le laisse l’alimenter à sa guise, l’évolution se fait toute seule. Ils ont tellement envie d’en savoir plus qu’ils mènent eux-mêmes leurs propres recherches. Leurs intérêts naturels ne sont pas bridés, ils sont libres de s’exprimer, loin de tout sujet imposé, et la curiosité naturelle de l’enfant, ainsi que ses dispositions innées, chères à André Stern, suffisent à assurer le reste.

Nous ne sommes pas fondamentalement opposés à l’école de la République. Nous pensons simplement que l’enfant apprend beaucoup plus en vivant sa vie en étant instruit en famille : quand le désir de le faire est présent, ce sont des ailes qui portent alors les apprentissages des enfants. Il ne s’agit pas là d’une théorie en l’air : nous en avons fait l’expérience. En presque 5 ans d’instruction en forêt, mes enfants ont appris énormément de choses, rencontré toutes sortes de gens, suscité l’admiration des inspecteurs d’académie. Je me souviens encore des propos du dernier que nous avons reçu, en 2019 (car 2020 pas de contrôle pour nous – Covid oblige). Il était ravi de tout ce qu’il a vu chez nous, il est même resté pour le goûter – préparé spontanément par les enfants eux-mêmes, car c’est aussi ça l’IEF : apprendre à accompagner les besoins de la vie, au quotidien. Nous avons donc beaucoup discuté, et, de ses propres dires, il trouvait généralement beaucoup d’intérêt et d’enrichissement à découvrir les familles et leurs différents modes d’instruction.

L’IEF, c’est une des plus grandes richesses culturelles de notre pays. C’est l’opportunité pour les enfants comme pour les adultes, de développer toute une série de capacités positives – créativité, autonomie, prise d’initiative, enrichissement culturel – ce ne sont là que quelques exemples. Le tableau cérébral d’un enfant en IEF est généralement extrêmement riche – de nombreux exemples de célébrités n’ayant jamais été sur les bancs de l’école sont là pour le prouver. Il serait vraiment, terriblement dommage, de renoncer à tant de richesses culturelles, pour une minorité – si tant est qu’elle existe vraiment. La raison ne voudrait-elle pas que le gouvernement, garant du bien-être de ses citoyens, demandent des preuves empiriques afin de décider arbitrairement de la vie de tant d’enfants, de tant de familles ?

L’IEF est un droit, conservons-le ! Soutenons les associations œuvrant pour nos libertés, signons la pétition.

Anne-Catherine Proutière, fondatrice du blog « Pédagogies alternatives en liberté », pour Pass éducation