Pour une instruction vivante – Témoignage pour le maintien de l’IEF en 2021

Nous avons choisi l’Instruction à domicile il y a 8 ans, avant l’arrivée de notre premier enfant. Ce choix a été mûrement réfléchi. Je souhaitais que l’instruction soit vivante, en lien avec le développement de l’enfant. J’ai donc puisé dans mes expériences, me suis documentée et formée. Mon intention était simple : préparer chaque étape et nous ajuster au fil de l’eau. 

La petite enfance – Une maison ouverte sur de multiples expériences

Préparer l’enfant à la vie, c’est lui offrir un nid adapté, ressourçant et ouvert ; un environnement à sentir, incorporer, reconnaître. Un endroit depuis lequel on peut partir de plus en plus loin et dans lequel on peut revenir. Un lieu à soi. Nous avons donc été attentifs au choix de notre maison pour qu’elle soit à la fois ouverte sur la nature et la culture. Cet habitat est avant tout un terrain d’explorations relationnelles et sociales. J’y ai vu nos enfants observer les contrastes, les similitudes, les nuances et détails de leur entourage. Chaque enfant a appris à se déplacer, s’orienter, nommer, ordonner. Ces temps d’explorations de la maison, les jeux, dont les éléments culturels Montessori, le jardin et l’environnement proche, leur ont laissé le temps et l’espace de découvrir leur sensibilité, leurs centres d’intérêt, leurs limites et exprimer leurs besoins d’intimité et d’intégrité. C’est dans cette sphère cognoscible qu’ils ont dessiné les contours de leur sphère personnelle. 

Les activités manuelles (matériel Montessori, arts, artisanat, jardinage, bricolage, expériences…) leur ont permis d’aborder les apprentissages dans une ambiance de concentration, de Flow  (notion élaborée par la ychologue Mihály Csíkszentmihályi, analogue à celle d’”esprit absorbant” de M. Montessori). Les mains et la vue travaillent de concert pour rassembler, faire, défaire, construire, créer des agencements. La maison offre un environnement calme pour ce travail d’étayage : ychomoteur. Nos enfants ont le loisir d’opérer, par la pratique répétée de ces activités continues et de plus en plus complexes, un ajustement entre le désir et l’agir. Ils peuvent s’entraîner et exprimer les émotions qui les traversent, agréables comme désagréables. Et moi de même. J’aime rappeler que le fait de “pouvoir agir” atténue les sentiments d’impuissance, de désespoir et l’émotion de colère. Au contraire, l’enfant nourrit sa confiance, son estime par l’effort et la persévérance. La liberté de mouvement (physique dont émotionnelle et : ychique) et l’entraînement à la coordination de ses mouvements permettent d’avoir une prise sur le monde, des possibilités de le modifier, s’y ajuster… et donc y survivre.

Nos enfants ont également besoin d’interactions, de jeux (d’équilibre) et surtout de courir à grandes enjambées à l’extérieur. L’Instruction en famille permet de rencontrer, dans des espaces multiples, des familles diverses aux âges variés. Ainsi, il y a les activités récurrentes (telles que les journées hebdomadaires en forêt et à la ferme, les activités extra-scolaires, etc.) et les autres sorties (musées, balades à la mer, découverte d’un lieu ou 

métier, etc.) L’emploi du temps est flexible et adaptable ! A cet âge, la durée et la fréquence de ces temps dépendent uniquement des besoins de nos enfants.

Plus l’enfant étend ses explorations avec des éléments concrets du monde, plus son imaginaire se déploie et façonne son intelligence. Je suis sensible à l’héritage somatique que m’a apporté la danse contemporaine, je l’ai retrouvé dans les ouvrages de Suzanne B. Robert-Ouvray (Docteur en : ychologie clinique,: ychothérapeute d’enfants et enseignante en : ychomotricité) la pédagogie du mouvement de M. Montessori ou encore dans les œuvres philosophiques de F. Nietzsche ou de G. Deleuze. Il est important pour moi d’être un parent sensible, curieux et inspiré par de multiples sources. De la même façon, j’ai à cœur de proposer à mes enfants une palette riche d’expériences sensorielles. En multipliant ces explorations, ils modulent leur tonicité et leur pensée s’enrichit de nuances. Ils affinent leur coordination, leur maîtrise, leur technique. L’Instruction en famille est le seul modèle, à mon sens, qui permet d’adapter les apprentissages au vécu et aux centres d’intérêt de chaque enfant. Ils peuvent progresser à leur rythme, dans un environnement personnalisé qui fait sens.

L’enfance, et après ? Vers une instruction inclusive

Vers 7 ans, l’enfant ressent le besoin de relier les détails observés à un ensemble. C’est pourquoi nous continuons à travailler les mathématiques et la langue française depuis les récits de l’Univers, la Terre, la Vie et l’Espèce humaine. Ces récits sont étayés depuis des expériences concrètes dans un environnement large et mondialisé. Le champ des possibles s’ouvre. L’idée est que l’enfant continue, à travers ses explorations, à “parcourir le chemin que l’humanité a parcouru” (M. Montessori). Il enrichit sa connaissance et démultiplie son désir de grandeur en même temps que sa mémoire. Il construit des récits de plus en plus élaborés. La notion du temps s’affine. Il prend conscience de la mort. L’abstraction s’élabore depuis ses nombreuses sensations. C’est également le moment où tout son être se tourne vers la justice (non pas punitive mais réparatrice !), l’action collective et le sens de l’effort. Le sentiment de dignité émerge. C’est renversant ! L’apprentissage de l’écoute empathique, des médiations et de la justice restaurative est pour nous une ressource précieuse pour résoudre certains désaccords, conflits et respecter autant que possible ce besoin vital d’affirmation. Cette période de l’enfance est fascinante et nous avons encore tant à découvrir !

Nos enfants grandissent à vitesse grand V et l’adolescence approche… j’y songe de plus en plus ! Ce moment charnière oscillant entre le désir d’appartenance et de liberté et les chamboulements biologiques impose beaucoup de soins. Cette fois, l’ado cherche à se dresser socialement, en étayant de nouveaux repères. L’affiliation familiale devient alliance sociale (amicale et amoureuse). Pour cette période transitoire, je rêve d’une instruction (à la ferme par exemple) dans laquelle les adolescents pourraient exercer leur force et accumuler des savoirs depuis un projet d’utilité publique et d’insertion sociale progressive. En contribuant, l’adolescent se sent participer à un projet collectif. L’intérêt de cette démarche serait d’apprendre, tout en respectant les mutations biologiques, les savoirs fondamentaux depuis l’expérimentation et la connaissance de différents métiers (communication, vente, production, soins aux animaux et aux plantes, arts, artisanats…). Tout est à construire avec nos enfants et c’est ce qui est passionnant ! 

Et après ? L’intention est d’apprendre à nos enfants à devenir des adultes prêts et capables d’adaptation et d’action. Des êtres qui procréent, créent, partagent des savoirs, techniques, concepts, théories pour que la vie n’arrête jamais de circuler. Il y a donc un projet autour de la notion d’ajustement. Mais il n’y a pas d’attente. J’ai la croyance que l’Instruction en famille accroît la confiance en sa capacité à s’enrichir et s’adapter. Et la crise sanitaire du coronavirus nous a permis d’éprouver l’efficacité de ce modèle. Nous apprenons à circuler, créer des liens mais aussi se délier de toutes interactions néfastes. 

Un geste de liberté ! Voilà ce que propose l’Instruction en famille. Offrir le Monde, sa grandeur, ses mystères pour que l’enfant, depuis sa construction intérieure, élabore son propre rapport au monde et y contribue à son tour.

Devenir un parent-chercheur

N’imaginez pas qu’accompagner l’enfant dans son développement est chose aisée. L’Instruction en famille est un choix courageux car nous sommes pleinement responsables de nos décisions. Par ailleurs, cette aventure soulève des questionnements et une recherche constante de solutions. Les parents apprennent à lâcher, douter, changer, se mettre en retrait… Nous renouvelons nos connaissances, nous nous formons, nous explorons, nous créons. Nous sommes quotidiennement face à des jugements. Nous nous heurtons à nos limites, notre vulnérabilité ce qui nous encourage à créer des réseaux de soutien. Car je le rappelle, c’est un acte gratuit, un don et non une dette. Ce n’est pas un sacrifice, mais un choix. C’est un acte social. Mais avant tout, c’est une joie ! Celle de co-évoluer en observant le processus de la vie, parfois ses coupures, chez les êtres et au sein de la société. Le privilège d’être à la marge nous permet d’observer le monde, ses mouvements, les nôtres. Nous pouvons orienter nos interactions en lien avec ce que nous sommes en capacité d’offrir de manière consciente et responsable. L’Instruction en famille s’inscrit dans un espace ouvert et dans un temps lent, corporel, biologique, écologique qui stimulent la conscience et la connaissance de soi, des autres et du monde. Ce travail pour moi est nécessaire. Il s’est imposé comme une évidence. Finalement, l’instruction vivante consiste à “suivre autant que possible dans leur ensemble, les besoins de la croissance et de la vie.” M. Montessori

Faustine, de @liberphlo, pour Pass éducation