« Une éducation bienveillante pour un monde plus humain » – Catherine Schmider – Résumé de conférence

« Une éducation bienveillante pour un monde plus humain » ; Catherine Schmider – TEDxCanebière – mars 2017

Catherine Schmider débute son exposé en racontant qu’elle a fait trois constatations. La première est que les mots peuvent blesser, faire très mal et laisser des traces sur le long terme. La deuxième est qu’un enfant qui n’est pas écouté dans ses émotions perd confiance en lui. La troisième est le fait qu’il peut y avoir un énorme décalage entre les bonnes intentions de l’adulte et ce qu’il fait effectivement et que ce décalage peut avoir un impact important sur ce que vit l’enfant.

Catherine Schmider voyait bien les belles intentions des adultes et elle n’a jamais rencontré d’adulte qui ait de mauvaises intentions envers les enfants dont il s’occupe. Leur souhait est bien qu’ils soient heureux et épanouis. Elle pose les questions : Combien d’enfants le sont vraiment ?  Combien d’adultes, qu’ils soient parents ou enseignants, sont heureux de la qualité de relation qu’ils vivent avec les enfants ?

En tant que professeur d’éducation physique, Madame Schmider tentait d’inventer une forme d’autorité qui ne soit pas une autorité-pouvoir qu’elle avait elle-même vécu enfant. Une autorité offrant un cadre tout en établissant un lien avec l’être humain qui est l’élève. Puis elle a découvert la Communication Non-Violente (CNV) de Marshall Rosenberg qui lui a donné des clés essentielles pour pouvoir vivre la qualité de relation à laquelle elle aspirait et qu’elle nous partage.

La base est d’être à l’écoute des émotions, que ce soit les nôtres ou celles des autres. Catherine Schmider utilise l’image d’une fleur : si nos besoins sont pris en compte alors nous sommes épanouis. Par contre si nos besoins ne sont pas bien pris en compte, alors quelque chose se fane en nous. Là est la première clé de l’éducation bienveillante : L’accueil des émotions de l’enfant.

L’exemple cité est celui d’un enfant qui tombe et se met à pleurer. L’oratrice nous propose de ne pas lui dire « ce n’est rien » ou « ce n’est pas grave » mais plutôt de s’accroupir pour être à sa hauteur et lui poser ces questions : « Tu as eu peur ? Tu as mal ? »

En poussant un peu plus loin la réflexion, elle conseille d’apprendre à nous relier à ce qui est important pour l’enfant et qui est caché derrière l’émotion exprimée. Pour expliciter ce point elle prend l’exemple d’une mère et son enfant qui doivent partir du parc. L’enfant lui dit « Tu es méchante maman ! » Au lieu de lui répondre : « Ne me parle pas comme ça sinon tu auras une fessée ! », on peut lui demander « Est-ce que tu es furieux parce que tu voulais encore jouer au toboggan ? »
Les neurosciences ont démontré que jusqu’à l’âge de six ans le cerveau de l’enfant n’est pas complètement développé et en particulier les zones permettant le contrôle des émotions. L’enfant vit donc des tempêtes émotionnelles qui sont hors de son contrôle. Il est donc inutile de lui parler de manière rationnelle car c’est l’accueil de ses émotions qui va lui permettre de s’apaiser.
L’écoute empathique est une clé fondamentale pour le développement de l’estime de soi de l’enfant, qui lui apporte la sécurité intérieure lui permettant de ressentir qu’il a le droit d’être qui il est. 

Une autre clé très importante est le fait de savoir exprimer notre contrariété et poser des limites en parlant de nous et en faisant des demandes. 

L’exemple pris cette fois est celui d’une enseignante qui rend un contrôle à un élève qui a eu cinq sur vingt. Voyez la différence de perception de l’élève si elle lui dit : « 5/20 à ton devoir ! Tu n’as encore pas travaillé ! Il serait temps de t’y mettre un peu sérieusement ! Je me demande bien ce que l’on va faire de toi ! » Ou si elle lui dit : »Tu as eu cinq à ton contrôle et quand je pense à tes résultats aux contrôles précédents, je suis inquiète parce que j’ai vraiment envie de permettre à chacun de mes élèves de réussir. Et là, je voudrais comprendre ce qui se passe pour toi. Est-ce que tu serais d’accord qu’on prenne un moment après le cours pour en parler ensemble ? »

Chacune de nos paroles a un impact. Pour tous les élèves présents dans la classe, dans le premier cas une tension va s’installer alors que dans le second cas, les esprits seront détendus et apaisés. 

Les neurosciences ont également démontré que l’enfant est naturellement empathique. Si on lui parle avec bienveillance, les zones de son cerveau qui permettent de prendre en compte ce que l’autre vit, vont se développer. Par contre s’il vit des situations de stress répétés, ces zones ne vont pas se développer correctement. Ce pourra être le début du manque de respect et des conflits, qui pourront le poursuivre toute sa vie.

Nos modes d’éducation actuels sont basés sur la croyance que l’être humain ne sait pas distinguer le bien et le mal. Alors on va lui apprendre avec une éducation pleine de jugements : « c’est bien », « c’est mal », « tu es gentil », « tu es méchant » ; ainsi qu’un système de punitions et de récompenses, entraînant de la comparaison, de la compétition, impactant l’estime de soi, apprenant la soumission à l’autorité ou générant de la rébellion et potentiellement de la violence. Ainsi que la reproduction de ce système de domination du plus fort sur le plus faible.

Un autre regard est possible, qui change tout. Si l’on regarde l’être humain comme un être sensible, qui aime avant tout contribuer au bien être des autres, alors on va l’éduquer avec l’écoute de ce que dit l’enfant, l’expression de ce que nous vivons en tant qu’adulte et une gestion des conflits qui va prendre en compte les besoins de chacun. Cela va engendrer la coopération, renforcer l’estime de soi, développer la créativité, la responsabilité et le respect de chacun quelque soit sa place. 

Alors ? Quel monde voulons-nous ? Un monde où l’enfant puis l’adulte qu’il devient va agir par peur de l’autorité et des sanctions ? Ou un monde où l’enfant  puis l’adulte qu’il devient va agir à partir de la conscience et de l’envie de contribuer au bien être ?

Catherne Schmider a choisi la deuxième option car elle considère que la première est un énorme gâchis à l’échelle de la société. Elle a donc décidé de faire de la prévention en faisant connaître cette approche afin que toutes les personnes en charge d’éducation puisse avoir un moyen concret de vivre ses intentions éducatives bienveillantes.

Elle œuvre donc dans une association qui a permis que la Communication Non-Violente soit maintenant reconnue par l’Éducation Nationale et même citée dans un guide pour une justice scolaire réalisée par le Ministère de l’Éducation Nationale. Certains inspecteurs et chefs d’établissements s’y forment et elle fait maintenant partie des programmes de formation continue des enseignants du premier et second degrés.

Au début, en 2009, l’association avait quelques demandes d’établissements afin qu’ils interviennent auprès des élèves dans des classes « où il y avait le feu ». Actuellement ce sont une à deux demandes par semaine, d’établissements souhaitant une sensibilisation pour l’ensemble de leur équipe. 

En 2011 a été créée une formation « La  Communication Non-Violente au service de l’éducation » qui est aujourd’hui présente dans cinq et bientôt sept régions. 

Les participants sont des parents, des personnels de crèche, des animateurs, des éducateurs, et la  moitié sont des personnes travaillant en milieu scolaire. Ce sont des démarches personnelles, impactant leurs week-ends ou leurs vacances et auto-financées.

Même si ces changements ne sont pas encore forcément visibles, ils sont en route et s’étendent. Concrètement, ces enseignants accueillent les élèves en leur demandant comment ils vont et en tiennent compte, ils instaurent des temps de régulation de la vie de la classe, en cas de conflit entre deux enfants ils le gèrent par la médiation sans avoir recours à la punition. Dans les classes, les enfants ne restent plus assis toute la journée à écouter, ils peuvent bouger et prendre des initiatives.

Catherne Schmider a le sentiment de contribuer à un monde meilleur, à la joie de voir les personnes évoluer et  lui partager ce que la CNV leur a apporté. Comme ce professeur de collège qui allait quitter son travail mais pour qui la CNV a été un outil pour communiquer avec des êtres humains dont il était totalement coupé. Ou encore cette femme qui travaillait en périscolaire et trouvait que cette forme d’écoute lui fournissait le bonheur de voir passer un enfant de la colère à la tristesse jusqu’au sourire radieux. Enfin une enseignante de primaire qui lui a rapporté qu’elle accueillait les parents de manière tout à fait différente en s’ouvrant à leurs difficultés, ne se sentant plus agressée lorsqu’elle recevait un parent mécontent, la rendant elle-même beaucoup moins agressive. 

Nous pouvons être acteurs de ce changement car nous appartenons à la génération de transition alors soyons le changement que nous voulons voir dans le monde ! Parlons à nos enfants comme nous aimerions qu’on nous parle, écoutons-les comme nous aimerions être écoutés, gérons les conflits avec eux comme nous aimerions que l’on gère les conflits avec nous. 

En apprenant ces formes de CNV et en les vivant avec nos enfants, nous avons le pouvoir, en une génération, de changer le monde, pour un monde plus humain. 

Emilie, fondatrice du blog alecoledesloupiots.fr, pour Pass ÉducationÂ