La pédagogie scientifique proposée par Maria Montessori est une véritable révolution dans le monde enseignant. Elle remet en question tellement d’idées préconçues qu’elle subira les pires critiques tout au long de sa vie. Sa pédagogie sera aussi très souvent appliquée à moitié, ou détournée – et critiquée de plus belle.
Un matériel unique
On connait surtout Montessori pour la beauté de son matériel, directement inspiré de celui développé par Édouard Séguin : «Scientifiquement élaboré, il présente les faits et les rapports entre les choses d’une manière si attrayante et si claire que l’enfant en extrait une nourriture intellectuelle et spirituelle qui le vivifie». Le matériel est donc pensé pour aider et accompagner le développement naturel de l’enfant ; en ce sens, l’éducation sensorielle valorise le développement : ychique : «L’éducation sensorielle est également nécessaire, comme base de l’éducation esthétique et de l’éducation morale».
Le matériel offert à l’enfant doit rencontrer cinq qualités fondamentales :
- L’isolement d’une qualité (le matériel s’adresse particulièrement à un sens),
- Le contrôle de l’erreur doit permettre à l’enfant de s’autocorriger,
- Le matériel doit être attrayant,
- Le matériel doit permettre des manipulations,
- Le matériel doit être fourni en quantités limitées.
Une ambiance calme et active
«En premier lieu, on est conduit à créer une ambiance adaptée, où l’enfant puisse se dépenser en vue d’une série de buts intéressants, canalisant ainsi son irréfrénable activité, dans l’ordre et vers le perfectionnement». C’est par le mouvement que l’enfant organise et construit sa personnalité : «Le grand problème de l’éducation consiste donc à respecter la personnalité de l’enfant et à ne pas entraver mais au contraire à laisser libre son activité spontanée… Il ne s’agit pas de l’abandonner à lui-même en lui laissant faire ce qu’il veut. Mais pour qu’il puisse être libre, il s’agit de lui préparer un milieu approprié et de lui donner les moyens nécessaires à son développement selon ses besoins: ychiques du moment». Une fois l’environnement adapté, l’enfant est amené à se discipliner : «Nous appelons discipliné un individu qui est maître de lui et qui peut, par conséquent, disposer de lui-même, ou suivre une règle de vie».
Un néo-enseignant
Montessori imagine un nouveau type d’éducateur : «Il faut que la préparation des maîtres soit simultanée à la transformation de l’école». Pour la Doctoresse, «le but de la première forme d’intervention éducative est de conduire l’enfant à l’indépendance». Le maître montessorien est un observateur, au sein d’un environnement aménagé pour l’enfant. Il est le guide, qui seconde l’enfant au mieux. Il est le révélateur des capacités de l’enfant : «Pour que l’enfant croisse et s’épanouisse, il faut que l’autorité de l’adulte diminue». L’éducateur doit respecter l’activité constructive de l’enfant : il ne doit pas se substituer à l’enfant lorsque celui-ci travaille utilement. «Toute intervention inutile produit un arrêt de développement». Une leçon doit être simple et compter un minimum de mots. Il n’est pas nécessaire d’insister, ni de
corriger les erreurs. En revanche, l’éducateur ne doit pas rester passif : il répond aux demandes d’aide des enfants, il leur propose des activités, met en place les leçons, mais toujours avec cette volonté de montrer plutôt que dire, surtout dans les plus jeunes années.
L’enfant au centre de la pédagogie de Montessori
L’enfant montessorien est un individu à part entière, avec ses besoins vitaux : celui d’apprendre, celui de grandir, celui de savoir-faire. Maria Montessori parle de l’esprit absorbant de l’enfant : «C’est dans les deux premières années de sa vie que l’enfant prépare, grâce à son esprit absorbant, tous les caractères de l’individu, bien qu’il en soit inconscient». Et cette préparation sera utilisée lorsque son activité motrice se développe, à partir de trois ans : «L’organe moteur de toutes ces transformations est essentiellement la main qui se sert des objets». «L’enfant a en lui une impulsion naturelle irrésistible : la tendance à croître. Il ne peut y renoncer pour s’adapter aux exigences sociales. Il se défend contre tout ce qui empêche son énergie de s’épanouir, parce que, à tout prix, il doit croître – sous peine de mourir. S’il s’adapte en partie, son adaptation n’augmente pas l’équilibre social, mais produit uniquement un homme mal développé et affaibli».
Nature et spiritualité
Imaginons une rencontre en Inde. Maria est en résidence surveillée, à Madras, et s’apprête à prendre le thé lorsqu’est annoncé un visiteur : Lord Baden Powell (fondateur du mouvement scout). Ces deux personnalités partagent une vision presque identique du sacré, et celui-ci passe par une forte connexion avec la Nature. Ainsi, Baden Powell indiquait : «Pour moi, le plus étonnant c’est que des éducateurs aient négligé ce moyen d’éducation facile et infaillible qu’est l’étude de la Nature et aient bataillé afin d’imposer une instruction biblique comme premier pas pour amener un garçon remuant et plein de vie à penser à des choses plus élevées». Maria Montessori était partisane des grandes marches dans la Nature, des soins aux plantes et aux animaux, des observations fines des mille et un détails qui se révèlent à l’enfant dans un tel environnement.
Education à la paix
Le mahatma Gandhi se joint alors à eux (nous sommes toujours au cœur d’une rencontre imaginaire !). C’est en Inde que Maria Montessori a réfléchi plus intensément à la dimension spirituelle de sa philosophie. Elle s’est imprégnée de principes bouddhistes qui transparaissent dans ses derniers livres. C’est le cas de l’Education à la paix. Pour Gandhi, ou Baden Powell, la paix est l’essence même et le but ultime de l’éducation des jeunes. «La paix ne saurait être assurée par les intérêts commerciaux, les alliances militaires, le désarmement général ou les traités bilatéraux, si l’esprit de paix n’est pas présent dans la conscience et la volonté des peuples. Cela, c’est une question d’éducation», disait Baden Powell en 1926. Et Maria de répondre «Établir la paix durablement est le travail de l’éducation. La politique ne peut qu’éviter la guerre».
En guise de conclusion
La pédagogie scientifique de Maria Montessori pose les bases fondamentales de sa méthode. Elle y explique clairement ses observations, ses objectifs, l’utilisation de son matériel, la formation des maîtres et la finalité de sa philosophie. Pourtant, sa pédagogie a évolué au fil du temps : l’adaptabilité est le maître mot de son œuvre. Ainsi, tout comme elle indiquait «N’élevons pas nos enfants pour le monde d’aujourd’hui. Ce monde n’existera plus lorsqu’ils seront grands. Et rien ne nous permet de savoir quel monde sera le leur. Alors apprenons-leur à s’adapter», le maître montessorien doit savoir adapter ses pratiques à son époque, sa culture et son environnement. Et c’est toute la richesse de la pédagogie Montessori, toujours en mouvement !
N. B. : Les citations de Maria Montessori sont extraites de Pédagogie scientifique – La découverte de l’enfant, Bruges : Desclée de Brouwer, 1ère édition : 1926.
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